Jimi Hendrix est mort le 18 septembre 1970, mais voilà que paraît mardi un «nouvel» album du dieu de la guitare. La chanson qui donne son nom à cet album, Valleys of Neptune, a été en tête du palmarès des simples du magazine Billboard dès sa sortie, en février. Janie Hendrix s'étonne elle aussi de la popularité de son demi-frère qui, dit-elle, n'a pas senti l'amour du public.

Jimi Hendrix n'a lancé que trois albums de son vivant, mais on ne compte plus ses disques posthumes: disques pirates, albums live, collections de retailles de studio et de maquettes retouchées par des réalisateurs que le sacrilège n'effrayait surtout pas. Voilà qu'arrive, 40 ans après sa mort, Valleys of Neptune, un album mythique qui témoigne des derniers enregistrements, en 1969, du guitariste de génie avec les deux membres d'origine de son trio, Noel Redding et Mitch Mitchell; le bassiste Billy Cox, un vieil ami de Hendrix qui sera plus tard de son Band of Gypsies avec le batteur Buddy Miles, y remplace déjà Redding sur trois pièces.

 

Valleys of Neptune, c'est plus de 60 minutes de «musique inédite sur des albums commerciaux de Jimi Hendrix», nous dit Sony. Traduction: certaines de ces pièces ne sont pas inconnues parce qu'on les a déjà entendues dans des versions embryonnaires, inachevées ou de moindre qualité sur des disques pirates, mais la majorité des 12 chansons sont inédites pour qui n'est pas un collectionneur maniaque de tout ce qui est Hendrix. Experience Hendrix, l'entreprise dirigée par sa demi-soeur Janie et qui veille sur son patrimoine depuis 15 ans, vient de signer une entente avec le label Legacy de Sony, qui lance également des éditions de luxe CD/DVD des albums Are You Experienced, Axis: Bold As Love, Electric Ladyland et First Rays of the New Rising Sun, ainsi que de la compilation Smash Hits.

Janie Hendrix s'émerveille elle aussi de la quantité phénoménale de musique qu'a enregistrée son demi-frère en quatre ans à peine: «Quand on a récupéré les droits sur la musique de Jimi en 1995 et qu'on a lancé un premier disque en 1997 (First Rays of the New Rising Sun, l'album auquel Jimi travaillait au moment de sa mort et dont les chansons ont été éparpillées sur les albums posthumes Cry of Love, Rainbow Bridge et War Heroes), on se disait qu'on avait l'équivalent de dix ans de musique dans les coffres. Mais nous en avons trouvé encore plus en chemin et nous en avons pour dix autres années!»

Les pièces de Valleys of Neptune ont été enregistrées, pour la plupart, entre la sortie du monumental album double Electric Ladyland, et l'ouverture du studio haut de gamme du guitariste, Electric Lady, dans Greenwich Village. Son intérêt est donc historique, mais une seule écoute vous convaincra que cette musique a ce petit quelque chose d'intemporel qui caractérise Hendrix. «Ce disque témoigne d'une période très intéressante de sa vie où Jimi faisait des découvertes, dit Janie Hendrix. Quand il est rentré à la maison en 1969, il a dit à mon père qu'il était à créer un nouveau son dont il était fier et qui allait changer la façon dont les gens écoutent la musique. À l'époque, la technologie ne lui permettait pas de créer ce qu'il voulait vraiment nous faire entendre. Aujourd'hui, si. Je pense que ce disque est un reflet fidèle de son évolution au plan créatif.»

Quelques curiosités

Janie Hendrix a travaillé pendant près d'un an avec les réalisateurs John McDermott, employé d'Experience Hendrix, et Eddie Kramer, l'ingénieur du son de Jimi à l'époque. Outre les chansons créées en 1969, ils ont récupéré Mr. Bad Luck, une des premières compositions de Jimi enregistrée pendant les sessions d'Axis: Bold As Love, en 1967. «Il y a quelques chansons isolées comme celle-là qui sont vraiment cool, mais qu'on ne sait pas où mettre, explique Janie. On avait déjà onze chansons qui s'intégraient bien à Valleys of Neptune; pour la douzième, on est retournés juste un petit peu plus en arrière.»

L'album comprend également trois nouvelles versions de chansons bien connues (Stone Free, Fire et Red House), ajoutées parce que ces nouveaux enregistrements datent de la même période (1969) et «que Jimi n'a jamais joué une chanson deux fois de la même façon», ajoute Janie. Autre curiosité, la version instrumentale de Sunshine of Your Love de Cream, que Hendrix avait déjà jouée en concert. «La raison première pour laquelle Jimi voulait aller à Londres, c'était pour rencontrer Eric Clapton», rappelle sa demi-soeur.

Que Jimi Hendrix soit aussi populaire 40 ans après sa mort étonne Janie Hendrix. Surtout, ça la réjouit: «Je suis heureuse qu'il soit devenu une légende, mais c'est un peu triste qu'il n'ait pas pu sentir que les gens l'aimaient. J'ai ressenti un peu la même chose quand Michael Jackson est mort: voilà un artiste qui a créé toute cette musique et qui fait partie de notre histoire, mais qui n'a pas vraiment pu ressentir l'amour des gens. Jimi voulait que sa famille l'accompagne en voyage pour le protéger; quand il participait à un concours à l'Apollo ou que, plus tard, il jouait à Randall's Island, il avait peur que les gens lui lancent des objets. C'est vraiment bien que les gens apprécient encore sa musique. Peut-être qu'il nous regarde d'en haut et qu'il peut le sentir. Je l'espère vraiment.»