La compagnie de production de spectacles Blue Skies Turn Black a, sans l'ombre d'un doute, été l'un des facteurs de croissance de la scène musicale indépendante montréalaise. L'entreprise, fondée par deux amis sans autre ambition que de donner un coup de pouce aux jeunes groupes locaux, célébrera son 10e anniversaire jusqu'à samedi par une série de trois concerts-événements au Il Motore.

«Au début, on ne planifiait rien. Nous n'étions que des fans de musique, qui avaient une émission de radio à l'Université Concordia et qui voulaient s'impliquer dans la scène. Nous ne sommes même pas des musiciens», dit Bryan Neuman, 32 ans, cofondateur du petit empire du spectacle indie montréalais, également maison de disques lorsque le temps le permet, avec son ami Meyer Billircu. «Jamais on ne pensait que ça durerait 10 ans...»

Et pourtant, nous y voilà, 10 ans plus tard, à quelques heures du premier des trois concerts mis sur pied par BSTB au Il Motore, une de ces petites salles obscures qu'affectionnent particulière la boîte de production et son fidèle public.

«Au début de notre histoire, surtout, je crois que nous avons vraiment aidé à développer une forte communauté de musiciens, d'artistes et de fans autour d'une même volonté de faire rayonner la musique négligée par les circuits traditionnels, la musique qu'ils aimaient», dit Neuman.

Aujourd'hui, la boîte produit plus de 150 concerts par année, dans des lieux aussi diversifiés que la Sala Rossa, la Casa del Popolo - deux temples de la scène indie locale -, la Tulipe, le National et, parfois, au Club Soda ou au Métropolis.

«Nos plus gros événements, se rappelle le cofondateur, ont été les spectacles d'Arcade Fire, à l'aréna Maurice-Richard. Quand j'y repense, c'était incroyable de voir tous ces gens qui chantaient les chansons avec eux.»

Contrairement à leurs collègues et concurrents de Greenland et Groupe Spectacles Gillett (qui annoncera le 25 mars prochain son nouveau nom d'entreprise, conséquente à son acquisition par la famille Molson), BSTB explore l'inconnu, la musique d'avant-garde, le rock, la pop, tout ce qui pousse dans les craques de l'industrie avec un gros I.

«La situation était complètement différente, il y a 10 ans, explique Neuman. Les groupes auxquels on s'intéressait étaient plutôt inconnus à l'époque, bien qu'aujourd'hui, ils pourraient être qualifiés de mainstream

Même si certains des groupes qu'ils ont défendus sont aujourd'hui pris en charge par les concurrents, ce n'est ni la relève ni l'intérêt que lui portent les mélomanes d'ici qui manquent. «En ce sens, dit-il, je crois qu'on a réussi à bâtir notre réputation ou notre marque. Les gens s'attendent à des concerts de qualité lorsqu'on les organise.»

Premier événement

Le premier événement monté par Neuman et Billicru fut la projection d'un documentaire sur Fugazi, à Concordia, en mars 2000; six mois plus tard, ils produisaient le concert de Sweep The Leg Johnny et North of America au Barfly, «l'un des rares endroits où on pouvait organiser un concert comme ça, à l'époque. Ils ne nous faisaient même pas payer pour utiliser leur place, se rappelle le jeune producteur. Tout l'argent allait aux groupes, et on se gardait 30 $ pour payer les affiches.»

Pendant les cinq premières années d'existence de l'entreprise, les deux défricheurs ne croyaient pas sérieusement qu'ils bâtissaient une entreprise viable. «Au bout de cinq ans, on a commencé à produire de plus gros concerts, avec de meilleurs budgets. L'un de nos premiers gros concerts fut celui de Modest Mouse, au Théâtre Rialto», il y a six ans.

Ils ont ensuite reçu un coup de fil d'un employé du Groupe Spectacles Gillett. «Gillett et Greenland avaient déjà produit Modest Mouse à Montréal. Lorsqu'on a confirmé leur concert - avec Wolf Parade en première partie! -, on se disait que Gillett allait être fâché... On avait un peu l'impression de s'en prendre à l'establishment», dit Neuman en rigolant.

À l'avenir, Blue Skies Turn Black n'exclut pas la possibilité de tenir des événements encore plus gros, voire un nouveau festival, parce que c'est justement ce qui manque à Montréal... D'ici là, rendez vous ce soir au Il Motore (179, Jean-Talon Ouest), premier des trois concerts d'anniversaire, avec The Besnard Lakes, Adam & The Amethysts, Shapes & Sizes et plusieurs autres. Détails sur blueskiesturnblack.com