Un génie universel concentré dans une petite quinzaine d'heures de musique: en cette année du bicentenaire de sa naissance, Chopin, le prince du piano romantique, est célébré par ses innombrables admirateurs, de sa Pologne natale à sa patrie d'adoption, la France, des pyramides d'Egypte au château de Nohant où il composa d'inoubliables chefs d'oeuvre au côté de sa George Sand bien-aimée. Jusque dans l'espace où les astronautes de la navette Endeavour ont emporté une de ses partitions.

Né, selon la plupart des sources, le 1er mars 1810 dans le Duché de Varsovie d'un père français émigré en Pologne et d'une mère polonaise, Frédéric Chopin quitte en 1830 son pays natal sous occupation russe pour ne plus jamais y revenir. Il passe la seconde partie de sa vie en France où il compose l'essentiel de son oeuvre et où il meurt de tuberculose en 1849, à l'âge de 39 ans. Il est enterré au cimetière parisien du Père-Lachaise.

Si le monde entier célèbre le génial compositeur des Nocturnes, Préludes, Mazurkas, Ballades, Etudes, Valses, Scherzos et autres Polonaises, il n'est qu'en Pologne où ces commémorations s'accompagnent de cet intense sentiment national et de reconnaissance pour l'artiste qui a su le mieux capturer l'essence de l'âme polonaise.

«Fryderyk Chopin est une icône polonaise», résume Andrzej Sulek, directeur de l'Institut Fryderyk Chopin de Varsovie. «Dans la culture polonaise, il n'existe aucune autre figure aussi célèbre dans le monde et qui représente aussi bien la culture polonaise.»

Certains vont encore plus loin. Si les Polonais tiennent tant à revendiquer la paternité de son génie, c'est que l'admiration universelle suscitée par Chopin dépasserait celle pour le défunt pape Jean Paul II ou le Prix Nobel Lech Walesa, figures moins consensuelles, avancent des responsables polonais. «Chopin est universel», explique Mariusz Brymora, du ministère des Affaires étrangères.

De là à faire fructifier cette admiration mondiale en marchandise d'appel pour la Pologne, il y a un pas que ce responsable n'hésite pas à franchir. «Nous sommes convaincus que Chopin est la meilleure marque de Pologne, le meilleur produit de Pologne. Il n'y a rien de comparable à lui», avoue avec une belle franchise M. Brymora.

Les amoureux de Chopin préféreront retenir les hommages en musique qui lui sont rendus partout dans le monde en cette année du bicentenaire. En Pologne, une série de concerts est prévue du 22 février au 1er mars, date anniversaire, à Varsovie et à Zelazowa Wola, sa ville natale près de la capitale, en présence des plus grands pianistes du monde, Daniel Barenboim, Evgeny Kissin, Garrick Ohlsson, Martha Argerich ou Krystian Zimerman.

Si le Parlement polonais a officiellement proclamé 2010 «Année Chopin», c'est que les autorités de Varsovie ont le sentiment que nombre de non-Polonais associent d'abord le génie de Chopin à la France.

De fait, c'est en France que ses plus grands chefs d'oeuvre ont vu le jour et que Chopin a puisé une partie de son inspiration en côtoyant le monde musical dans les salons parisiens, en s'isolant dans la campagne de l'Indre et en rencontrant l'amour de sa vie, l'écrivaine George Sand.

Parmi les hommages français, une intégrale de l'oeuvre de Chopin -soit une quinzaine d'heures de musique en tout et pour tout- sera interprétée la semaine prochaine par une soixantaine de pianistes à la fois dans la ville de Châteauroux (Indre), dans le centre de la France, et à Paris, un événement intitulé «Joyeux anniversaire, M. Chopin», filmé et retransmis ultérieurement à la télévision.

En juin, dans le petit château de Nohant, un des lieux qui abritèrent les amours passionnées, tourmentées et intenses de Frédéric Chopin et George Sand durant une décennie, l'une des périodes les plus fécondes du musicien, se dérouleront trois semaines de concerts Chopin.

La musique de Chopin tourne même en orbite autour de la Terre puisqu'une copie de la partition manuscrite de son Prélude Opus 28 No7, cadeau du gouvernement polonais, et un CD d'oeuvres du compositeur ont été emportés à bord de la navette Endeavour qui s'est élancée le 8 février à destination de la Station spatiale internationale.

La petite histoire retiendra que, même après sa mort, son coeur est resté en Pologne... au sens propre. Peu avant sa mort en octobre 1849 place Vendôme à Paris, un Chopin tuberculeux, redoutant l'idée d'être enterré encore vivant, a en effet demandé que son coeur soit séparé de son corps et transféré en Pologne. Une dernière volonté respectée puisque le coeur du compositeur est encore aujourd'hui conservé dans un cénotaphe inséré dans un pilier de l'église Sainte-Croix de Varsovie.