Imaginez une voix qui rappellerait celle de Bob Dylan - si celui-ci articulait - ou Peter Gabriel jeune, sur une musique qui mêle guitare, ukulélé, des musiciens de Godspeed! You Black Emperor et Bell Orchestre, plus un choeur de 10 chanteurs d'opéra! C'est ce que fait un jeune chanteur de Vancouver qui vit à Montréal et qui lançait cette semaine son étonnant troisième album. C'est ce que fait Courtney Wing.

Quasi tous les chanteurs du Québec étaient aux Jeux de Vancouver cette semaine pour y donner des spectacles. Si Courtney Wing s'y trouve aussi, c'est plutôt pour des raisons de famille! Car lui, c'est à Montréal qu'il fait de la musique, qu'il lançait lundi son fascinant album numérique de «folk opératique» Bouquet of Might and Fury (en vente à l'adresse courtneywing.bandcamp.com) et qu'il se produira en spectacle le 25 février, à la Sala Rossa.

 

La pochette de son album résume assez bien son propos: un énorme bouquet qui marie roses et couteau, lapin et terroriste, femme nue et revolver. «J'aime les contradictions, les contrastes, explique Courtney, et j'ai remarqué qu'une expérience négative pouvait avoir souvent une influence positive, et vice versa. Mon disque est un regard introspectif sur ces contradictions. J'ai eu envie de pousser cette idée encore plus en mêlant musicalement le petit et le grand: de petits instruments comme un ukulélé ou des cloches et un grand ensemble comme un choeur de chanteurs lyriques (l'ensemble montréalais Liederwolfe) ou la trentaine de musiciens qui ont participé à l'album. Après, il s'agissait simplement (!) de trouver l'équilibre.»

Le résultat est, je le répète, étonnant et effectivement équilibré. «Quand je suis arrivé à Montréal il y a sept ans, j'arrivais de l'Ouest, et mes influences étaient très bluegrass: le country, le folk, ce qu'on entend sur mon premier album. Le deuxième a été fait à Montréal, où j'essayais justement de m'inspirer de ce que j'y voyais, cette façon de repousser des barrières, de mêler les genres. Le deuxième disque était donc un peu différent - mais ce n'était pas encore ça.»

En fait, il a bien failli ne pas y avoir de troisième disque. Déçu du peu d'intérêt pour ses albums, Courtney Wing avait décidé d'abandonner la musique... quand le réalisateur John Klepko, de CBC Radio 2, l'a invité à composer une oeuvre pour une captation radio: «Pas parce que j'étais cool ou le buzz du moment - je ne l'étais pas! -, mais parce qu'il aimait ma musique.» C'est là que Courtney a l'idée de mêler folk-rock et opéra, et le concert est tel qu'il lui vaut l'attention de divers médias et celle de l'agence montréalaise Bonsound Booking.

C'est ainsi qu'est né ce «bouquet de puissance et de furie», qui a quelque chose d'un requiem pour la vie, si je puis dire: «C'est peut-être parce que mes premiers souvenirs d'enfance lient musique et mort, dit Courtney Wing. Je me rappelle, tout petit, assister à l'enterrement de mon oncle et trouver la musique tellement belle... Ou la mort de John Lennon, tu vois? C'est comme cela que la musique est devenue pour moi une médecine, un traitement qui guérit la tristesse.» Et qui lui inspire d'étranges et magnifiques chansons d'amour littéralement lyrique.

Courtney Wing, Bouquet of Might and Fury, en vente sur le site courtneywing.bandcamp.com/album/bouquet-of-might-and-fury.

En spectacle, accompagné par l'ensemble Liederwolf et une quinzaine de musiciens, le 25 février, à la Sala Rossa.