Le chef de l'Orchestre métropolitain présente demain aux Montréalais son «autre» orchestre, celui de Rotterdam. Une tournée qui revêt une émotion particulière pour le jeune chef, qui vient «montrer chez lui ce qu'il fait ailleurs».

Yannick Nézet-Séguin n'a pas l'habitude de voyager léger. Trop de partitions, trop de vêtements de concert...

Ces jours-ci, en visite dans sa propre ville, le chef de l'Orchestre métropolitain du Grand Montréal est accompagné des 108 musiciens, instruments et bagages de l'Orchestre philharmonique de Rotterdam, «l'autre» orchestre qu'il dirige depuis 2008.

 

Dans le cadre d'une tournée nord-américaine qui l'a mené deux soirs au Lincoln Center de New York, l'Orchestre philharmonique de Rotterdam visite pour la première fois le Canada, avec des arrêts à Québec, Montréal, Ottawa et Toronto.

«Les musiciens sont évidemment très heureux et très fiers. Et pour moi, c'est sûr qu'il y a un aspect en plus qui est très émotif, de montrer chez moi ce que je fais ailleurs», explique le chef, quelques jours avant les concerts new-yorkais.

«L'Orchestre philharmonique de Rotterdam, c'est mon autre port d'attache maintenant. Et le travail que j'y fais est différent, par la nature de l'orchestre, son histoire et sa tradition. Donc le son est très différent. Je voulais montrer mon autre visage aux Montréalais, partager mon autre côté, celui qui voyage, qui découvre. Je suis sûr que cette soirée-là, à Montréal, va être d'une émotion très particulière.»

Un secret bien gardé

Nézet-Séguin est loin d'être le seul à diriger plus d'un orchestre de façon permanente. Il mentionne le cas du réputé chef letton Mariss Jansons, qui dirige à la fois l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam et l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, établi à Munich. Et il arrive souvent que l'orchestre de Munich se produise à Amsterdam... «Cela montre en fait comment les orchestres peuvent être différents.»

En quoi, justement, le Philharmonique de Rotterdam se distingue-t-il?

«De façon générale, c'est d'abord une machine extrêmement virtuose. On dit souvent que c'est un secret très bien gardé en Europe parce qu'il est moins connu (et moins vieux) que celui d'Amsterdam. C'est un orchestre qui a beaucoup de personnalité, une volonté d'être performant en concert, de se dépasser. Parce qu'en concert, on dirait que certains orchestres se replient un peu sur eux. Il y a un peu un élément de peur. À Rotterdam, c'est l'inverse.»

Selon Nézet-Séguin, cette attitude aurait à voir avec la ville elle-même, qui a dû se reconstruire au complet après la Seconde Guerre mondiale. «C'est une ville qui veut toujours se prouver qu'elle peut se reformer, se rebâtir, trouver une autre vocation.»

Quant à l'Orchestre métropolitain, que le chef «retrouve toujours avec plaisir», il aura 30 ans seulement l'année prochaine. «C'est un très jeune orchestre. Je travaille avec lui depuis 10 ans. J'ai forgé mon propre répertoire en même temps que celui des musiciens. Chaque fois que je faisais pour la première fois une symphonie de Bruckner, c'était aussi la première fois pour les musiciens. C'est sûr que le travail est très différent, avec cet aspect francophone qui donne des couleurs très douces à l'orchestre. C'est un orchestre plus intime, plus doux, en quelque sorte que celui de Rotterdam.»

Entrée flamboyante

Pour faire connaître les musiciens de Rotterdam, Nézet-Séguin démarre la soirée de façon flamboyante avec le concerto pour orchestre de Bartók qui, par sa forme, met en valeur tous les groupes d'instruments plutôt qu'un seul soliste. «C'est une oeuvre idéale en tournée parce que cela permet de bien découvrir tous les solistes de l'orchestre. Cela reste une oeuvre qui est brillante et virtuose, mais aussi sombre, parce qu'elle date des dernières années de la vie de Bartók.»

Le chef a choisi d'allier cette oeuvre au concerto pour violon de Brahms, dont le troisième mouvement, «à la hongroise», fait un clin d'oeil à la patrie de Bartók. Le rapprochement est aussi purement musical: «Brahms est un grand amoureux des formes classiques. Il a toujours voulu construire ses musiques de façon très claire sur le plan de la forme. Cela a aussi été une préoccupation de Bartók. On ne rapproche pas souvent ces deux musiciens, mais j'étais intéressé à le faire, surtout avec ces deux oeuvres-là.»

Puis, parce que l'orchestre néerlandais doit aussi faire connaître la musique de son pays, une oeuvre assez courte de Theo Verbey fera le pont entre Brahms et Bartók. Elle a aussi l'avantage de mettre en valeur les solistes de l'orchestre dans un cadre plus intime.

L'Orchestre philharmonique de Rotterdam, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, demain, 19h30, salle Wilfrid-Pelletier.