«Touchante», «vraie» et «très créative»; les proches de la chanteuse Lhasa de Sela, décédée le 1er janvier d'un cancer à l'âge de 37 ans, ne tarissent pas d'éloges à son égard et regrettent autant l'artiste que l'amie.

Le guitariste et producteur, Yves Desrosiers, a rencontré Lhasa au début des années 1990. Elle avait alors 18 ans et venait d'arriver à Montréal. En entrevue à La Presse Canadienne, il affirme avoir toujours su «qu'il y avait quelque chose qui se passait» sur le plan artistique et qu'elle connaîtrait du succès.

C'est avec lui que Lhasa a lancé son premier album intitulé La Llorona (La pleureuse, en espagnol), en 1997.

Endeuillé, M. Desrosiers dit avoir perdu un gros morceau de lui-même. Artistiquement, c'est le meilleur coup qu'il a pu faire en carrière, a-t-il relaté, ajoutant qu'une foule de souvenirs se bousculent dans sa tête depuis les derniers jours. Il se rappelle notamment la première fois qu'ils ont fait des essais musicaux, dans la cuisine de l'artiste sur la rue Saint-Joseph, à Montréal.

«Une voisine est montée avec un verre de vin et une rose et a demandé 'c'est toi qui chante comme cela?'», s'est souvenu Yves Desrosiers.

«Depuis, ajoute-t-il, cela n'a pas arrêté.»

L'artiste d'origine brésilienne et grande amie de Lhasa, Bïa, s'est dite effondrée, lundi, par la nouvelle du décès de celle avec qui elle avait une grande entente musicale. Selon elle, Lhasa a créé un nouveau son et a ouvert des portes qui paraissaient fermées en raison de sa richesse et de sa grande créativité.

L'amitié entre les deux femmes s'est nouée lorsqu'elles ont interprété ensemble pour la première fois la chanson Los Hermanos (Les frères, en espagnol) lors d'un spectacle collectif. «Cela a scellé notre amitié en peu de mots, en peu d'effusion, en peu de chichis», a raconté Bïa, qui ajoute que la chanson a finalement été enregistrée 10 ans après cette première interprétation sur son disque Nocturno paru en 2008.

Bïa compare son amie à «une étoile filante extrêmement lumineuse mais horriblement brève» et soutient que Lhasa s'est battue jusqu'à la fin, espérant guérir du cancer du sein dont elle était atteinte.

La directrice de la programmation au Festival International de jazz, des Francofolies et du Festival Montréal en lumière, Caroline Johnson, a été la première attachée de presse de Lhasa entre 1997 et 1999. De tous les artistes qu'elle a rencontrés, Lhasa est, selon elle, la «plus vraie» et la «plus touchante au quotidien».

«Elle a ouvert l'esprit des gens pour la musique du monde», a soutenu Mme Johnson, ajoutant qu'elle comptait, selon elle, parmi les cinq meilleurs artistes de ce style musical.

Une artiste du monde

Née le 27 septembre 1972 dans l'État de New York, d'un père mexicain et d'une mère américaine, Lhasa, qui avait adopté son prénom pour son nom de scène, a marqué la scène de la musique du monde grâce à ses trois albums.

Son album Living Road, paru en 2003, figurait au podium des disques de la décennie du prestigieux Times de Londres, tandis que son plus récent album, Lhasa, lancé en 2009, occupait le 25e rang des meilleurs albums de l'année 2009 de la revue française Les Inrock. Mais c'est sans aucun doute La Llorona (1997) qui l'a fait connaître non seulement au Canada mais aussi en France et ailleurs dans le monde où elle s'est arrêtée en tournée.

Lhasa a souvent répété que sans Montréal, elle n'aurait pas connu la même carrière. Le chroniqueur musical, Nicolas Tittley estime d'ailleurs qu'elle représente bien la nouvelle génération d'artistes issus de l'immigration. «Elle a réchauffé les oreilles québécoises», dit-il, ajoutant qu'elle avait également élargi les horizons des musiciens d'ici.

En France, les réactions n'ont pas tardé sur les différents sites internet des quotidiens. Le journal français Le Nouvel Observateur titrait, lundi matin: «Adieu Lhasa, bonjour tristesse». «Que dire de plus, sinon qu'elle aura été une artiste sublime», écrit la journaliste Sophie Delassein.

Collaborateur pour les pages culturelles du quotidien Libération, François-Xavier Gomez a affirmé: «commencer l'année avec une nouvelle comme ça, c'est très triste», soulignant que Lhasa était justement le fruit du mélange culturel très représentatif de la ville de Montréal.