Les trois principaux artisans de L'eau qui danse, la pomme qui chante et l'oiseau qui dit la vérité en sont à leur premier opéra. Et pas n'importe lequel: un opéra contemporain, féerique de surcroît. «C'est la totale!» lance le metteur en scène, Robert Bellefeuille. Avec le compositeur Gilles Tremblay et l'auteur Pierre Morency, il présente cette oeuvre hors du commun au Monument-National à partir de jeudi. La Presse a assisté à une répétition cette semaine.

Mercredi, 16h. Au moment où La Presse arrive dans la salle Ludger-Duvernay du Monument-National, les chanteurs sont en pleine... pause. Au moins, pendant ce temps, on peut admirer la salle dans toute sa splendeur: les moulures, les fauteuils de velours rouge, la rampe du balcon finement ouvragée... On dirait que, vide, elle impose encore plus le respect.

La répétition reprend bien vite, dans une ambiance feutrée. Les chanteurs, vêtus de leurs costumes, hésitent parfois, rient un peu, puis reprennent le travail sérieusement. Le metteur en scène, Robert Bellefeuille, est assis par terre. Il regarde, il écoute. Parfois, il se lève, dispense quelques conseils, puis retourne à sa place. «On est en train d'apprivoiser le lieu», explique-t-il.

Les répétitions au Monument-National ont commencé il y a quelques jours seulement, mais l'opéra, lui, est le résultat d'un travail de longue haleine. C'est la directrice de la compagnie lyrique Chants Libres, Pauline Vaillancourt, qui a eu l'idée de réunir le compositeur Gilles Tremblay et le poète Pierre Morency dans un opéra, il y a près de sept ans.

Le livret écrit par Pierre Morency est venu d'abord, puis Gilles Tremblay a composé la musique. Les deux hommes ont travaillé étroitement ensemble, parfois chez l'auteur, à l'île d'Orléans, parfois chez le compositeur, à sa maison d'été de Charlevoix. «C'est un être humain rare, comme on en voit trop peu», dit Pierre Morency au sujet de Gilles Tremblay, victime récemment d'un AVC. «Ç'a été un grand moment dans ma vie de pouvoir travailler avec lui.»

L'opéra a été créé à partir d'un conte du XVIIe siècle de l'écrivaine française Marie-Catherine d'Aulnoy, forcée à l'exil après avoir été accusée de tentative d'assassinat sur son mari. Sa fable raconte l'histoire de deux enfants amoureux, mais qui se croient frère et soeur. Au fil de trois épreuves - l'eau qui danse, la pomme qui chante et l'oiseau qui dit la vérité -, ils feront la lumière sur leurs origines et pourront vivre leur amour au grand jour. Ils apprendront aussi qu'ils sont issus de familles royales. «C'est un conte merveilleux d'aujourd'hui, affirme Pierre Morency. Un conte de fées qui finit bien.»

Décor sobre

Aujourd'hui, les chanteurs répètent au Monument-National pour la première fois. Accompagnés du piano uniquement, ils chantent à seulement 20% de leurs capacités, pour ménager leur voix en vue du grand soir. Il faut imaginer le résultat avec l'orchestre du Nouvel ensemble moderne, qui se joindra à eux.

Les concepteurs ont opté pour un décor très sobre, épuré, pour servir la composition de Gilles Tremblay. «Ça prenait comme un écrin pour qu'on puisse accueillir la musique», dit Robert Bellefeuille. Le choix de la simplicité s'explique aussi par la présence d'un piano et de percussions de part et d'autre de la scène. Une difficulté qu'ils ont voulu utiliser de manière positive. «On a construit la scène autour de cette contrainte, dit Robert Bellefeuille. Les percussions sont l'équilibre sculptural. Ce sont elles qui vont nous donner un esthétisme, une culture.»

Les images projetées au fond de la salle se refléteront sur plancher de plexi noir, une façon de troubler la frontière entre l'imaginaire et le réel. Les costumes, eux, servent à tracer la ligne entre les deux mondes. Ceux des personnages «humains» empruntent des teintes de cuivré, d'or ou de noir, tandis que tout ce qui est féerique porte de franches couleurs.

Lorsque 17h sonne, la répétition se termine. Les chanteurs quittent la scène, les lumières s'éteignent. L'imposante salle se retrouve plongée dans l'ombre, en attendant le grand soir.

L'eau qui danse, la pomme qui chante et l'oiseau qui dit la vérité est présenté du 19 au 21 novembre, 20h, au Monument-National.