Le jeune pianiste chinois Lang Lang, qu'on entendra dans quelques jours avec l'OSM puis en récital, se présente comme chambriste sur son dernier enregistrement. Il partage un programme Tchaïkovsky-Rachmaninov avec deux collègues russes, le violoniste Vadim Repin (lui aussi soliste à l'OSM, en février prochain) et le violoncelliste Mischa Maisky.

La pièce de résistance est le grand et unique Trio en la mineur, op. 50, de Tchaïkovsky, qui fait ici 50 minutes. Comme entrée en matière, les trois chambristes jouent le premier des deux Trios élégiaques de Rachmaninov, qui est en quelque sorte l'héritier spirituel de Tchaïkovsky. En sol mineur, en un mouvement et ne portant pas de numéro d'opus, ce premier trio fait 15 minutes. (Il est moins connu et moins important que le second, op. 9, qui comporte trois mouvements et dure trois fois ce temps, et dont une version par les mêmes musiciens suivra très certainement la présente parution.)

Le Trio op. 50 de Tchaïkovsky, daté de 1882, est de structure inhabituelle: deux mouvements seulement. Le premier est un Pezzo elegiaco bien nommé, plein de tristesse et de turbulence. Le deuxième comprend 11 variations contrastantes où alternent mélancolie et légèreté (il y a même là une valse et une mazurka). Ces 11 variations débouchent sur une 12e, fort longue, qu'on pourrait considérer comme un troisième mouvement. Une grande mélancolie habite l'oeuvre entière et cette atmosphère se retrouve dans le trio plus court de Rachmaninov, composé 10 ans après celui de Tchaïkovsky.

Les deux oeuvres ont aussi en commun la place importante accordée au piano et, à cet égard, Lang Lang vient bien près de voler la vedette à ses deux aînés, surtout qu'il montre une maturité étonnante pour son âge et une identification au style pianistique russe tout aussi étonnante chez un musicien né loin de cette culture.

En fait, le présent enregistrement trouve Lang, Repin et Maisky dans une forme technique extraordinaire et une communion de pensée des plus intenses. Le bonheur qu'ils éprouvent à nager dans cette musique est tout simplement contagieux. Ils se permettent ici et là un phrasé un peu élastique, mais la musique le permet et ils n'en abusent pas.

La partition du Tchaïkovsky autorise deux coupures (la huitième variation, qui est une fugue, et le début de la douzième). La tendance aujourd'hui est de jouer l'oeuvre dans son intégralité et c'est ce que nous donne le présent enregistrement.

Mention spéciale pour la prise de son. Malgré l'importance que prend ici le piano, on entend chaque détail du violon et du violoncelle, même dans les passages les plus touffus.

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TCHAÏKOVSKY, RACHMANINOV.

Lang Lang, pianiste, Vadim Repin, violoniste, et Mischa Maisky, violoncelliste.

DEUTSCHE GRAMMOPHON, 477 8099.