Plus de 15 ans sans donner de nouvelles et puis vlan! Celui qu'on croyait disparu à jamais nous revient avec un nouveau disque. Qu'a-t-il fait pendant tout ce temps? Eh bien... il jouait au golf.

En voilà un qu'on n'attendait plus. Figure marquante du showbiz québécois des années 60, 70 et 80, Donald Lautrec avait complètement disparu de la circulation depuis le début des années 90. Même les rééditions de ses anciens disques, lancées il y a deux ans, n'avaient pas suffi à le faire sortir de sa tanière.

Et puis voilà qu'il réapparaît avec À jamais, son premier album en 28 ans, le second en 37 ans. C'est ce qu'on appelle se laisser désirer. Longuement. Mais n'allez pas croire que tout cela était stratégique. Il croyait sincèrement avoir tourné la page.

«Je ne peux pas dire que je m'ennuyais de la chanson, explique l'interprète de 69 ans, rencontré lundi, quelques heures avant son lancement. C'est comme avec les anciennes blondes. J'étais passé à autre chose. Sauf que la musique, c'est comme l'amour. Tu ne peux pas t'en passer éternellement. À force de me faire dire «tu devrais, tu devrais, tu devrais», j'ai fini par me laisser convaincre. Et quand j'ai décidé d'embarquer, j'ai embarqué pour vrai.»

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Évidemment, difficile de ne pas l'interroger sur ses années de silence. Les absences prolongées suscitent toujours des questions, à plus forte raison quand il s'agit d'une vedette. Que Donald Lautrec, chanteur-populaire-devenu-animateur-devenu-concepteur-et-producteur-télé disparaisse sans laisser d'adresse ne pouvait donc qu'alimenter les rumeurs - la plus étonnante étant qu'il avait vendu un concept de quiz à une chaîne de télé américaine, ce qui l'aurait rendu millionnaire et donc totalement libre de refaire sa vie loin des médias.

Semi-vérité, répond le principal intéressé. «Je n'ai jamais vendu de concept télé aux Américains, mais avec tous les quiz que je produisais à Quatre Saisons, c'est vrai que j'avais fini par faire des sous. Assez, en tout cas, pour me faire un bon set-up et prendre ma retraite à 55 ans. Alors au début des années 90, quand TQS a commencé à avoir des problèmes d'argent et à couper dans mes émissions, j'ai décidé de tirer la plogue sur la production télé.»

Financièrement à l'aise, le jeune retraité a passé les 15 années suivantes à jouer au golf, en faisant la navette entre le Québec et la Floride. De son propre aveu, c'est d'ailleurs tout ce qu'il a fait, ou à peu près. «J'ai vraiment eu la piqûre, explique-t-il. À un moment donné, j'ai joué 322 parties dans la même année! Je passais mes journées sur les terrains de golf. Ça peut avoir l'air drôle, mais les vrais maniaques vont comprendre.»

Était-ce une raison pour ne plus donner de nouvelles? Pour décliner toutes les demandes d'entrevues? Pour se faire volontairement oublier? Lautrec prétend que oui. «J'ai pris mes distances parce que je n'avais plus rien à dire. Je ne me voyais pas faire une émission de radio pour raconter que la vie était belle et que je passais mes hivers en Floride à jouer au golf. Le gars qui est pogné dans le trafic à 7h du matin, penses-tu vraiment qu'il avait envie d'entendre ça?»

Quelle place?

Il aura donc fallu ce nouveau disque pour lui redonner le goût des kodaks et de la vie publique. «Au moins, je vais pouvoir parler du présent et pas seulement du passé.»

Donald Lautrec ne reconnaîtra probablement pas le paysage de la chanson québécoise d'aujourd'hui. Même s'il prétend être un amateur de musique house et fréquenter beaucoup de jeunes dans la trentaine, il admet lui-même en avoir manqué des grands bouts. Quelle place pour lui dans ce monde musical transformé? Il hausse les épaules. «Tout ce que je sais, c'est que j'ai donné mon max pour retrouver ma voix et mes émotions», dit-il, en évoquant les longues heures de studio et de répétition.

Aboutissement de deux ans de travail, À jamais a été réalisé par le claviériste Marc Provençal (Francis Martin, Ginette Reno, Roch Voisine, Audrey de Montigny), fan avoué du chanteur, qui s'est impliqué dans le projet depuis le début. Exception faite des reprises de succès populaires (dont Un peu d'innocence de Daniel DeShaime et Salut les amoureux de Joe Dassin), la plupart des chansons ont été composées par Pascal Mailloux, directeur musical de Marjo.

Lautrec se dit heureux du résultat. Mais il évite les pronostics. Son dernier album (Lautrec, 1981), était passé dans le beurre du blues post-référendaire. Le précédent (Fluffy, 1972) lui avait fait perdre des fans, mais gagner du galon auprès des critiques. Il ne s'en cache pas, ces échecs l'ont ébranlé et l'ont forcé à se remettre en question. Si bien qu'aujourd'hui, il préfère rester prudent.

Donald Lautrec, en spectacle le 18 mai à la Place des Arts.

POP

DONALD LAUTREC

À JAMAIS MUSICOR

Notre critique en p. 10

Lautrec en sept temps

1964 Ancien trapéziste découvert par Yvan Dufresne (Pierre Lalonde, Michel Louvain), Lautrec devient la vedette de la jeunesse dans le vent avec Manon viens danser le ska. Il poursuit sur sa lancée avec Tu dis des bêtises, Action et Un jour un jour, une pièce de Stéphane Venne qui devient la chanson d'Expo 67.

1969 Changement de cap artistique avec Éloïse, Alleluia et Hosannah. Passé de yéyé à chanteur populaire musclé, Lautrec devient un peu le Johnny Hallyday québécois et confirme son statut de «sex symbol». Anime l'émission Donald Lautrec Chaud à la SRC jusqu'en 1971.

1972 La cassure. Devenu barbu, le chanteur lance Fluffy, un disque folk-rock gavé de chansons originales québécoises, écrites par Luc Plamondon, Germain Gauthier ou Claude Dubois. Le public ne suit pas. Après l'échec d'un spectacle au Saint-Denis, Lautrec délaisse la chanson.

1974 Rôle principal dans le navet érotico-soft La pomme, la queue et les pépins. L'affaire se termine en cour, Lautrec accusant les producteurs de lui avoir fait jouer contre son gré des scènes olé-olé, en intégrant des gros plans pornos à son insu. Il se reprend de belle façon l'année suivante dans Gina, brillant film de Denys Arcand, où il incarne le pimp d'une danseuse nue jouée par Céline Lomez. La scène finale est une pièce d'anthologie.

1981-1985, Animation des émissions Lautrec 81, 82, 83 et 85, mélange de clips et de variétés live. Lautrec fonde la maison de production télé Riviera. «C'est là que j'ai appris à compter», dit-il.

1986-1991. Premier succès de producteur télé avec Action-Réaction, adaptation d'un quiz américain diffusé à Quatre Saisons. Lautrec enchaîne avec une série de quiz de son cru, qui vont connaître le succès. Charivari (avec Guy Mongrain), Double-jeu (avec Guy Boucher), Puzzle (avec Michel Forget), La guerre des sexes (avec Louise Deschâtelets et Claude Fournier), Zizanie (avec Paul Berval et Paul Buissonneau), La roue chanceuse (animé par lui-même) et finalement Cafouillis (avec Francis Reddy).

1991-2009. Allô Donald? Ici, la Terre....