«Si j'ai du nouveau matériel à défendre? Pas vraiment. Je viens à Montréal parce que j'aime y chanter et que j'aime aussi le public montréalais. J'y ai déjà passé de très beaux moments.»

Droit au but. Suzanne Vega est du genre droit au but. Le ton sérieux de sa voix, la brièveté et la précision de ses réparties contrastent avec la douceur et la délicatesse de sa voix chantée, et l'on ne compte pas les innombrables nuances que comporte sa poésie. Ça avait frappé le scribe en 1987, année de la sortie de l'album Solitude Standing, époque où j'avais réalisé une première interview avec la New-Yorkaise aujourd'hui âgée de 50 ans. Eh oui... de toute évidence, on ne file pas à reculons.

«Non, je n'ai pas de nouvel album depuis Beauty&Crime, paru il y a deux ans. Non, je n'ai pas beaucoup de nouvelles chansons à proposer. Mais j'aime la scène et je saisis toutes les occasions d'y remonter lorsque faire se peut. Oui, mon rôle de mère a forcément ralenti ma carrière au cours des 15 dernières années. Au cours de cette période, donc, j'ai fait moins d'albums, j'ai tourné pendant les vacances scolaires de ma fille et des week-ends ça et là. Il me faut encore veiller au grain, attendre que Ruby aille au collège avant de reprendre un rythme comparable à ce que j'ai vécu autrefois. Élever une jeune fille à Manhattan, vous savez, ce n'est pas rien!»

On la sent très proche et responsable de Ruby Froom, l'ado qu'elle a eue avec le musicien Mitchell Froom (Soul Coughing, etc.), qui a aussi réalisé plusieurs de ses chansons au cours des années 90 (albums 99,9 degrees F et Nine Objects of Desire) et de qui elle s'est séparée à la fin de cette même décennie.

On se souvient encore de cette période particulièrement audacieuse dans la facture sonore de Suzanne Vega, suivie d'un retour à des formes chansonnières un tantinet plus sobres. «Sobres? Vous croyez? Je ne lésine pas sur les arrangements, en tout cas. Et je suis encore ouverte à l'aventure musicale.»

De 2006 à 2008, Suzanne Vega a été sous contrat chez Blue Note, son premier opus sur le célébrissime label de jazz qui n'est plus tout à fait jazz comme on le sait - un peu comme la programmation Jazz à l'année du FIJM qui la présente le week-end prochain! En quête d'autres Norah Jones, Blue Note a rapidement mis fin à l'entente contractuelle avec Suzanne Vega.

Depuis lors, cette artiste brillante a rejoint le camp des indépendants où elle multiplie les collaborations; entre autres, elle a été mise à contribution dans le projet Dark Night Of The Soul, un livre-CD créé par le réalisateur et fameux mashupper Danger Mouse et le groupe Sparklehorse. Elle y signe la chanson The Man Who Played God - inspirée d'une biographie de Pablo Picasso.

«J'ai vraiment aimé travailler avec Danger Mouse, qui a aussi retravaillé mon «vieux» matériel, en l'occurrence la chanson Tom's Diner», raconte-t-elle sans fournir de détails. Tant qu'à causer remixes et nouvelles technologies, on sait que Suzanne Vega fut consacrée «mère des MP3» parce que Karlheinz Brandenburg, son inventeur, a effectué ses tests d'intelligibilité à partir d'une version a cappella de Tom's Diner. « Je l'ai rencontré deux fois. Il est très sympathique avec sa tête ébouriffée et ses airs de savant fou», raconte-t-elle avant d'échapper un rire contagieux avec son interlocuteur qui corrobore - j'ai aussi rencontré le «savant fou».

Actuellement, l'Américaine s'affaire à enregistrer les versions acoustiques de 50 chansons de son répertoire, réparties en quatre catégories: Love Songs, People Place&Things, States of Being, Family. Qui plus est, elle nourrit des relations professionnelles avec la francophonie; elle prévoit traverser l'Atlantique pour chanter en duo avec le doué Kent, dont elle a traduit quelques rimes en anglais. «Je comprends la langue, mon mari la parle couramment», indique-t-elle.

Son travail d'écrivain l'occupe aussi passablement. En plus de bosser à l'écriture d'une pièce de théâtre, elle alimente sporadiquement un blogue hébergé par le New York Times: «Sous la bannière Measure From Measure, j'écris sur le processus de création d'une chanson, sur la créativité en soi, ou même sur la conduite automobile», résume la blogueuse avant d'indiquer qu'elle a pris une pause avec le quotidien new-yorkais. «J'y reviendrai.»

Ainsi, Suzanne Vega s'amène pour deux soirs d'affilée en toute intimité: le bassiste Mike Visceglia et le guitariste Gerry Leonard l'accompagneront à L'Astral. Deux soirées sans prétention avec une pointure du songwriting new-yorkais.

Très active malgré sa productivité relativement modérée côté chansons, Suzanne Vega semble avoir une vie plutôt rangée. Mariée à Paul Mills, un avocat aux velleités poétiques, elle vit à Manhattan depuis presque toujours. Peu probable qu'elle migre ailleurs, se dit-on en raccrochant le combiné. Entre les deux oreilles, les migrations de Madame Vega ne lui suffisent-elles pas?

Suzanne Vega se produit à l'Astral, les samedi 7 et dimanche 8 novembre.