Il y a un an, la rubrique Rétro a demandé aux lecteurs quels disques québécois ils souhaitaient voir réédités. Entre Claude Léveillée et Plume Latraverse, plusieurs ont répondu: Sloche.

Leurs souhaits ont été exaucés puisqu'on vient de relancer Stadaconé et J'un OEil, les deux albums de cette formation de rock progressif des années 70.

 

Sloche n'a jamais connu un grand succès commercial. Vingt-cinq mille disques vendus, à tout casser - ce qui n'est déjà pas si mal. Mais il laisse un souvenir durable dans la mémoire de certains «tripeux» qui considéraient le groupe comme la réponse québécoise à Frank Zappa.

Exagéré? Peut-être. Mais en écoutant les disques ressuscités - et rematricés - par les bons soins de l'étiquette ProgQuébec, on peut certainement dire que Sloche n'avait pas les deux pieds dans la même bottine, et encore moins dans la «sloche». Mené par le claviériste Réjean Yacola et le bassiste Pierre Hébert, ce quintette instrumental issu de la Vieille Capitale a gravé plusieurs morceaux relevés, que l'on redécouvre avec plaisir et étonnement.

Bien sûr, tout cela a un peu vieilli. À tous égards, la musique de Sloche transpire son époque. Mais en définitive, on retiendra surtout l'énergie qui se dégage de ces compositions aux grooves complexes. Contrairement à Maneige, qui versait dans la musique de chambre, ou à Harmonium, qui prenait sa source dans le folk, Sloche s'inspirait de Chick Corea, de Herbie Hancock et bien sûr de Zappa, sans le génie caustique et l'irrévérence. En un mot comme en mille, la pulsation rock dominait sur le maniérisme «prog».

«On ne faisait pas de concessions, mais on n'était pas juste intellos. On était des étudiants révoltés. On essayait de casser la baraque», se souvient Réjean Yacola, qui pilote aujourd'hui son propre studio à Charlesbourg.

Ce n'était pas suffisant, hélas! pour faire sauter la banque. En 1977, après cinq ans de précarité financière, et malgré l'appui de l'étiquette RCA, ce groupe au nom savoureux («On était comme une bouette de styles», résume Yacola) décide d'arrêter les frais et sombre bien vite dans les limbes de l'inconscient progressif québécois. Ses deux disques étaient bien sûr activement recherchés.

Fait à noter, l'étiquette ProgQuébec s'est démenée comme un diable dans l'eau bénite pour parvenir à remettre la main sur les bandes originales. Elles auraient, dit-on, été retrouvées à New York dans les coffres de Sony (aujourd'hui propriétaire de RCA) après un interminable processus bureaucratique de quatre ans.

Espérons que l'opération n'aura pas été vaine et qu'elle ouvrira la porte à d'autres rééditions. Plusieurs disques importants de la chanson québécoise (dont ceux d'Aut'Chose, d'Octobre et de Claude Léveillée) appartiennent encore officiellement à la «méchante» multinationale, qui ne semble pas pressée de les remettre sur le marché. Comme dirait l'autre: histoire à suivre...