La chanteuse argentine Mercedes Sosa, l'une des voix les plus célèbres et engagées de l'Amérique latine, est décédée dimanche à l'âge de 74 ans au terme d'une longue maladie, a annoncé la clinique où elle était en soins intensifs.

Mercedes Sosa «est morte dimanche matin», selon un communiqué de la clinique. Elle était en soins intensifs depuis le 18 septembre, avec de «graves dysfonctionnements rénaux et pulmonaires», a précisé un rapport médical.

«C'était la voix de ceux qui n'avaient pas de voix à l'époque de la dictature (1976-1983). Elle a porté sa préoccupation pour les droits de l'Homme dans le monde entier», a déclaré le musicien Victor Heredia, l'un de ses amis et compositeur de plusieurs de ses chansons.

Une veillée était organisée dimanche au Congrès des députés, un honneur réservé aux personnalités importantes en Argentine. Au pied du cercueil, ouvert et laissant voir le visage de la chanteuse, un poncho blanc, costume typique des paysans et indigènes argentins que Mercedes utilisait lors ses récitals.

Dans un profond silence, et pour certaines en larmes, des milliers de personnes, dont de nombreux étrangers, formaient une longue file devant le bâtiment, attendant d'entrer pour lui dire adieu.

Mercedes Sosa était le symbole d'un mouvement de renouveau de la musique folklorique, socialement engagé, qui comptait entre autres figures de proue le chanteur argentin Atahualpa Yupanqui, mort à Paris en 1992.

Surnommée La Negra en raison de son épaisse chevelure noire, elle a partagé la scène avec des artistes internationaux tels que Luciano Pavarotti, Sting, Joan Baez, Andrea Bocelli, Chico Buarque, Gal Costa ou Shakira.

Elle s'est produite dans des lieux prestigieux, la Chapelle sixtine au Vatican (1994), le Carnegie Hall de New York (2002) ou le Colisée de Rome (2002) lors d'un concert pour la paix, auquel participa notamment Ray Charles.

Elle était née le 9 juillet 1935 à Tucuman, dans une famille d'origine indienne vivant dans un quartier modeste et bercée par la culture populaire.

D'abord professeur de danse folklorique, elle s'est lancée dans la musique dans les années 60, rejoignant avec son mari, le musicien Manuel Oscar Matus, le mouvement Nuevo Cancionero, qui a dépoussiéré le folklore. Elle enregistre son premier disque Canciones con fundamento.

Mais vient bientôt le temps de l'exil pour cette militante communiste. En 1979, elle est arrêtée lors d'un concert à La Plata. Mercedes Sosa n'a plus le droit de chanter et préfère s'intaller à Paris, puis à Madrid.

Elle ne retournera en Argentine qu'en 1982 pour une série de concerts à Buenos Aires.

C'est «la voix la plus vigoureuse d'Amérique latine», avait déclaré la présidente chilienne Michelle Bachelet avant le décès de Mercedes Sosa, qui a contribué à diffuser la chanson Gracias a la Vida composée par la Chilienne Violeta Parra.

«Elle a illuminé notre vie!», a déclaré de son côté le président vénézuélien Hugo Chavez lors de son émission radiotélévisée hebdomadaire Alo Presidente.

«Elle est partie physiquement mais elle reste avec nous. Mercedes, nous t'aimons. Nous te porterons toujours dans notre coeur», a ajouté M. Chavez, qui a fait entendre pour conclure son émission la voix de Mercedes Sosa interprétant une de ses chansons, Solo le pido à Dios.

«Je suis chanteuse. Je suis veuve. J'ai un fils, Fabian Ernesto, et deux petites-filles. Je conduis une petite Audi. J'ai été très malade et je me suis retrouvée avec Dieu. Je suis progressiste. Je suis ambassadrice de l'Unicef», avait résumé Mercedes Sosa dans une interview en 2000.

Ses problèmes de santé et son hospitalisation en mars l'avaient empêchée de participer au lancement de son double album Cantora (Chanteuse) composé de duos avec des vedettes de la musique hispanophone (Joan Manuel Serrat, Luis Alberto Spinetta, Caetano Veloso, Shakira).