Ce n'est pas un hasard si Matthew Herbert, un des artistes les plus brillants et les plus novateurs de l'électronica britannique, a réalisé Jewellery, premier album de Micachu&The Shapes.

Imaginez l'accord idéal entre chanson pop et recherche fondamentale en musique contemporaine, électroacoustique ou bruitiste. Au public indie, Micachu & The Shapes balancent des chansons accrocheuses dont l'emballage n'a strictement rien à voir avec ce qu'on s'imagine de la pop, aussi indie soit-elle.

Fondé sur les travaux de composition d'une Mica Levi à peine sortie de l'adolescence, l'impact de Jewellery a été si considérable sur la scène alternative du Royaume-Uni que le jury du célébrissime Mercury Prize a été critiqué par les médias anglais pour avoir omis de sélectionner cet album parmi les finalistes de 2009. Wikipedia rapporte même que Björk, dont on sait le pouvoir des antennes, a été aperçue en train de danser à l'un des premiers concerts de Micachu & The Shapes, en selle depuis à peine plus d'une année. C'est dire le buzz.

Tout va très vite pour la compositrice, guitariste et chanteuse Mica Levi et ses collègues, la claviériste Raisa Khan et le percussionniste Marc Pell. Aujourd'hui âgée de 22 ans, Mica étudiait la musique et la composition à la Guidall School de Londres lorsqu'elle a fait la rencontre de ses amis musiciens pour ainsi fonder le trio Micachu & The Shapes.

«Nous sommes agréablement surpris de la tournure des événements», résume humblement Miss Levi, jointe à Londres la semaine dernière.

«Nous avions monté cette affaire sans penser vraiment à ce qu'elle pourrait produire chez les gens. Le monde sonore dans lequel nous évoluons ne rejoint normalement que des publics restreints. D'ailleurs, nous ne pensons toujours pas être devenus des sensations pop!»

Ce qui frappe d'entrée dans cette conversation, c'est la qualité de la rhétorique de Mica Levi. De surcroît, sa culture musicale.

«Oui, j'ai étudié la composition. Oui, je sais lire et écrire la musique. Oui, je proviens d'une génération de musiciens pop qui ont pu bénéficier d'une véritable éducation. Le phénomène est, je crois, lié à la reconnaissance de la pop culture dans le monde intellectuel et dans les milieux universitaires.

«La musique pop a atteint des sommets de sophistication, une éducation est parfois nécessaire pour aller encore plus loin. La fonction de la pop a changé dans la société et... nous voilà! Cela dit, je crois qu'il existera encore des autodidactes sans formation qui feront encore de l'excellente musique.»

Mica dit aimer la musique contemporaine du XXe siècle, surtout l'américaine: sans faire dans l'ostentation, elle cite John Cage, Morton Feldman, Harry Partch! Qu'on ne s'y méprenne, la jeune femme mise d'abord sur une solide connaissance de la musique pop.

«Je collectionne des albums depuis le début de l'école secondaire. Il faut dire qu'on aime beaucoup la musique dans ma famille, d'autant plus que mon père est chargé de cours et conférencier spécialisé en musique. Il a effectué des recherches encore plus poussées sur la création musicale pendant l'Holocauste. Déprimant... mais intéressant. Chose certaine, mon éducation musicale et mon environnement familial m'ont exposée à différents styles de musique.

«Dès l'adolescence, je me suis intéressé à la musique électronique. J'ai commencé à programmer mes propres rythmes dès l'âge de 15 ans. J'ai écouté beaucoup de Beatles, de la pop classique, mais aussi du rock indie, des groupes comme Capitol K, beaucoup de hip-hop marqué par le jazz, des chanteuses soul telles Jill Scott, beaucoup d'électronique, comme Prefuse 73, etc.»

Il faut maintenant voir de quel bois se chauffent sur scène Micachu & the Shapes. «Notre performance, annonce notre interviewée, se veut sans prétention et comporte une bonne dose d'humour.»

Voix, guitares, batterie atypique, claviers, synthés sont prévus au rendez-vous montréalais. Différence entre le studio et la scène? «Une bonne part de notre album est un mélange de bruitisme et distorsion dans un contexte de création électronique. Sur scène, nous tendons à en évoquer le contenu avec la lutherie dont nous disposons. Nous réinterprétons et réarrangeons à l'intérieur de nos limites. Il nous faut survivre à l'ennui qui s'installe lorsqu'on reproduit ce qui a déjà été enregistré.»

Voilà autant d'indices annonciateurs: on ne risque pas de s'ennuyer ce soir.

________________________________________________________________________________________________

Dans le cadre de Pop Montréal, Micachu&The Shapes se produisent ce soir (jeudi 1er octobre), 22 h 30, au Cabaret du Musée Juste Pour Rire.