Quand un artiste s'installe dans la même salle pour un mois, on dit à Paris qu'il fait une «résidence». C'est exactement ce que Pierre Lapointe a entrepris lundi soir à la Boule noire, en plein coeur de Pigalle, où il donnera 19 spectacles d'ici le 17 octobre.

Spécialisée dans les jeunes talents en général et dans le rock en particulier, cette petite salle tout en longueur peut accueillir 200 spectateurs. En un mois, Lapointe devrait donc faire l'équivalent de deux Bataclan (1500 places), voire de deux Olympia (2000 places) ou presque. Mais justement, Pierre Lapointe n'a voulu ni de l'un ni de l'autre. Il a expliqué pourquoi aux spectateurs dès les premières minutes de son spectacle lundi soir. «Au lieu d'aller dans quelque chose de flamboyant et de clinquant (ce qui est normalement mon genre), j'ai préféré aller dans la durée», a-t-il dit.

S'inscrire dans la durée: le Québécois n'a pas cherché à faire autre chose depuis ses débuts en France, au Café de la danse, en 2006. Cette fois-ci, il veut donner aux médias et à la rumeur - qui l'ont passablement gâté jusqu'ici - le temps de parler de lui.

«L'idée, c'est de rester à l'affiche longtemps, pour créer le bouche-à-oreille, explique la gérante de Lapointe, Jocelyne Richer. Quatre semaines, ça donne le temps aux gens de parler du spectacle. Avec deux soirs à l'Olympia, on n'obtiendrait pas les mêmes résultats.»

On peut penser que les spectateurs qui ont assisté à la première ne se feront pas prier pour répandre la bonne nouvelle. Pierre Lapointe et ses cinq musiciens, un peu à l'étroit sur la minuscule scène et longuement ovationnés, n'ont pas eu de mal en effet à conquérir ce public conquis d'avance, avec leur relecture rock, psychédélique ou même country des titres les plus connus du Montréalais.

La presse, elle, s'y est déjà mise. Lundi, le Figaro recommandait à ses lecteurs d'aller entendre Pierre Lapointe. «Il ne faut pas le rater sur scène, où son grain de folie et son côté baroque sont aussi impressionnants que son répertoire», a écrit le quotidien.

Tout en demeurant en dehors des circuits commerciaux, Pierre Lapointe a déjà un assez large public en France, du moins chez les amateurs de chanson d'auteur. Dès ses premiers pas ici, il a eu le soutien des médias de qualité, ceux qui s'adressent, justement, à son public potentiel, qu'il s'agisse de Télérama, des Inrockuptibles, de Libération, de France Inter ou de France culture.

Pour préparer le terrain à sa «résidence» à la Boule noire et à la sortie, ce week-end, de son disque «Sentiments humains», Pierre Lapointe est venu faire une semaine de promotion à Paris au début septembre, multipliant les interviews. Les Inrocks doivent lui consacrer un article, mais aussi le magazine Paris Match, ce qui est plus étonnant.

«Pierre Lapointe est connu et reconnu. On a dépassé le stade la curiosité. On récolte les fruits de ce qu'on a semé ces dernières années», estime Jocelyne Richer.

Il y a quelques jours, le magazine L'Express a estimé qu'avec Sentiments humains, Pierre Lapointe «balise un territoire fantasque et ténébreux habillé par des tourbillons de cordes et une voix aiguisée».

«Ses chansons explorent le spleen et la chair dans un même mouvement viscéral, parfois touffu, souvent éblouissant», a poursuivi l'hebdomadaire.

Reste à voir maintenant si les «chansons dépressives» de Pierre Lapointe, comme il les appelle lui-même à la blague, finiront par séduire les radios françaises.