Leon Fleisher a beau avoir perdu la capacité de jouer avec sa main droite pendant plus de 30 ans, la musique a toujours continué d'animer l'âme et la vie de ce grand pianiste. Il revient à Montréal pour deux concerts après huit ans d'absence. Et c'est avec les deux mains qu'il jouera, inaugurant le volet classique de la nouvelle programmation d'eXcentris.

Grâce aux progrès de la médecine, notamment par des injections régulières de Botox, la main droite du musicien âgé de 80 ans a retrouvé la vie en 2004. La dystonie focale, une maladie neurologique assez répandue chez les pianistes, l'avait frappé à l'âge de 37 ans, le privant de l'usage de deux doigts.

 

D'abord au désespoir, il a même pensé mettre fin à tout. Il s'est plutôt tourné vers le répertoire pour la main gauche, tout en se consacrant à la direction d'orchestre et à l'enseignement, sans jamais abandonner l'idée de pouvoir rejouer un jour avec ses deux mains. En entrevue téléphonique, il évoque son destin exceptionnel.

«Je sais que cela sonne un peu mélodramatique, mais on peut dire que beaucoup de positif est ressorti de cette tragédie personnelle, dit-il. J'ai acquis une vision plus large de la vie et de la musique. Sans cette maladie, je n'aurais jamais commencé à diriger. Et cela a fait de moi un meilleur professeur, parce que j'étais obligé d'être plus verbal, plus précis. Je me devais de comprendre ce que je faisais au lieu de le faire instinctivement.»

Entre les concerts, l'octogénaire hyperactif a récemment trouvé le temps d'enregistrer trois concertos de Mozart sur étiquette Sony. Et il continue de donner des classes de maître, une occupation qui lui tient à coeur. Car cette passion pour l'enseignement, il l'a héritée de son professeur et mentor, le légendaire Artur Schnabel.

«Schnabel a été l'un des musiciens les plus influents du XXe siècle, et il adorait enseigner, dit-il. Il m'a transmis cela et j'ai un immense plaisir à le faire. Je crois que l'enseignement fait porter une bien plus lourde responsabilité que de donner des concerts, car vous formez la prochaine génération. Si vous ne lui donnez pas la bonne formation, c'est un véritable péché, car vous perpétuez alors de mauvaises habitudes!»

Retour à Montréal

Ce retour à Montréal fait grand plaisir au pianiste, qui dit avoir une affection particulière pour la métropole. Sa fille a étudié à McGill, et il a joué ici à maintes reprises dans le passé. Doté d'une excellente mémoire, il se souvient clairement de son premier passage... il y a 65 ans!

«J'avais seulement 14 ans, c'était un concert en été, sur la montagne, et le maire Camillien Houde en avait fait la présentation.» Sa dernière visite dans la région remonte à 2001, au Festival de Lanaudière.

Pour ces deux concerts, en plus des pièces en solo, il présentera un programme de musique de chambre en compagnie d'amis musiciens. On pourra entendre, entre autres, le Quintette en fa mineur de Brahms. Il jouera aussi à quatre mains avec son épouse, la pianiste Katherine Jacobson Fleisher. Le répertoire est choisi avec soin, car en dépit des traitements, il ne peut pas jouer n'importe quelle pièce.

«Les traitements soulagent les symptômes, mais la maladie est encore là, dit-il. Je dois choisir ce qui convient bien à ma main droite.» Qu'importe, rien ne l'empêchera désormais de continuer, ce qu'il compte bien faire tant qu'il le pourra.

«La musique a ceci de particulier que peu importe à quel point vous jouez merveilleusement, quelque chose de plus profond et de plus beau peut toujours être fait. Je vais continuer à saisir cette chance.»

Leon Fleisher et ses amis, les 25 et 26 septembre à l'eXcentris.

Présentation du documentaire Two Hands et entretien avec Leon Fleisher, le 26 septembre à midi.