Fils de Danyel Waro, véritable institution du maloya, un style musical de l'océan Indien qui est à l'île de La Réunion ce que le zouk est à la Martinique et à la Guadeloupe ou le reggae à la Jamaïque, Sami Pageaux Waro témoigne clairement de sa génération. Et ce, sans renier ce que le paternel et ses contemporains ont accompli.

Lourd héritage pour le fiston de 27 ans, chanteur, percussionniste et joueur de kora au sein de Lo Griyo, un trio réunionnais qui se produit le week-end durant aux Escales improbables de Montréal?

«Bien sûr, répond-il sereinement, il y a des choses lourdes à porter avec la réputation de mon père, mais il y a aussi des avantages. Depuis tout petit, j'ai pu voyager avec lui de par le monde, j'ai pu rencontrer des gens et du coup ça a été plus facile d'intégrer le milieu artistique.  Bien sûr,  j'ai tôt fait de m'intéresser à autre chose que le maloya et les musiques traditionnelles de La Réunion.» On aura saisi que Lo griyo se veut un «laboratoire de rencontres musicales».

L'écoute de l'album Yé Mama mène à repérer les souches multiples de Lo Griyo. Sami Pageaux Waro est natif de la Réunion, d'un père créole et d'une mère française. Originaire de la région parisienne, le saxophoniste et flûtiste Luc Joly a débarqué à La Réunion en 1985. Bryce Nauroy, bidouilleur technoïde, vient d'Avignon et vit dans l'île depuis trois ans.

«Nous amenons chacun nos bagages respectifs. Il y a mon coté traditionnel, ethnique, musiques africaines, indiennes ou créoles de l'océan Indien. Luc, lui, est saxophoniste de jazz et enseigne ce style, il nous transmet cette attitude jazz si ce n'est que dans l'improvisation. Quant à Bryce, il opère les filtres du griot électronique. En plus de créer le son en façade, il peut traiter les sons de ses collègues ; ma voix, mes percus, le saxophone de Luc, etc. Ce qui parvient aux oreilles du public passe par le filtre électronique.» Ainsi, Lo Griyo témoigne d'une culture mondialisée, quoique soucieuse d'en préserver les racines.

«À La Réunion, plusieurs continuent à perpétuer leur patrimoine, mais la plupart des artistes issus de régions éloignées, qu'ils le veuillent où non, reçoivent les influences de la culture moderne. Je suis un enfant des années 80, il est normal que d'autres musiques aient fait écho chez moi.» Qui plus est, Lo Griyo explore la notion de transe, cet état d'hypnose collective générée par la musique sacrée dans la plupart des sociétés traditionnelles.

«À La Réunion, explique Sami, le servis kabaré est une forme de culte des anciens qui peut être comparé au vaudou dans les Antilles. Dans cette optique, nous aimons cette idée de mener les gens quelque part, et pourquoi pas dans un état second. Construire une espèce de pont entre les musiques gnawas ou soufies, par exemple.  Or, dans la culture d'aujourd'hui, les musiques de transe peuvent créer des états voisins à la transe traditionnelle. En fait, on peut trouver dans les raves des caractéristiques musicales comparables à ce qui génère la transe dans les musiques des sociétés traditionnelles.» Et pourquoi la référence au griot, qui désigne une caste ancestrale de conteurs et musiciens d'Afrique de l'Ouest ? «Il n'y a pas de caste de griots à La Réunion, mais il y cette tradition de conteurs, de musiciens, il y aussi ce respect des granmouns (les anciens)».

Ne reste donc qu'à plonger ces patrimoines dans un grand bol de micro-puces et bien agiter le tout aux Escales improbables.

------

Lo Griyo donnera un concert acoustique vendredi, samedi et dimanche entre

14h et 16h, dans le cadre des «siestes musicales» des Escales improbables de Montréal. Samedi également, Lo Griyo donnera un concert complet au Hangar 16 des «quais du Vieux-Port» à l'occasion d'une soirée où figurent également les formations Forestare et National Parks.

Pour infos:

www.escalesimprobables.com