La plupart des groupes qui se sont produits à Woodstock à l'été 1969 sont séparés, de nombreux artistes sont morts, et pourtant, quarante ans après, le concert emblématique de la génération Peace and Love continue de fasciner.

«Tout dans ma vie, et tellement d'autres choses, est attaché à ce train-là», avoue Richie Havens, à qui l'on demande toujours de chanter Freedom, comme il l'avait fait à l'époque, grattant sa guitare devant une marée humaine.Avec lui, les Jimi Hendrix, Janis Joplin, Who, Santana, Joan Baez, Crosby, Stills, Nash and Young, Sly and The Family Stone et autres Joe Cooker avaient tenu la scène pendant trois jours, du 15 au 18 août, dans un champ prêté par un fermier du nom de Max Yasgur à... Bethel. Car le site initialement prévu non loin de là, à Woodstock, avait fait faux bond aux organisateurs.

Le concert devait être payant mais rapidement les barrières, au propre comme au figuré, sont tombées et la foule a pu entrer sans billet. Plus de 400 000 jeunes ont convergé dans ce comté au nord-ouest de New York, provoquant des embouteillages monstres, avant que la pluie ne transforme le terrain en champ de boue, sans pour autant décourager spectateurs et artistes.

Et si à l'époque les autorités et la bonne société ont dénoncé cette débauche de musique, de nudité et de drogue, l'imaginaire populaire a surtout retenu du concert le souvenir d'une explosion de liberté hippie, du triomphe de la contre-culture et de la contestation de la guerre du Vietnam, immortalisée par l'interprétation dévastatrice de l'hymne américain par Hendrix.

Le film d'Ang Lee, Taking Woodstock, la sortie d'une nouvelle version du concert en DVD ainsi que d'un CD remasterisé des prestations, et les concerts organisés par des «anciens» sur le site mythique témoignent de la nostalgie de cette époque, au quarantième anniversaire de Woodstock. À Bethel, on trouve désormais un musée des années 1960, qui a accueilli plus de 70 000 visiteurs depuis l'été dernier, et un lieu réservé aux concerts en plein-air. «C'est presque un pèlerinage», explique le directeur du musée, Wade Lawrence.

Woodstock a marqué toute une génération, celle du babyboom de l'après-guerre. Aucun des innombrables festivals pour les jeunes ou pour une cause, comme Live Aid en 185, n'a réussi cela.

À Woodstock, «la musique était chouette, mais surtout on était avec tellement de gens qui nous ressemblaient, qui me ressemblaient», se souvient Ilene Marder, âgée de 18 ans à l'époque. «Je me souviens m'être dit: «n'oublie jamais ça! N'oublie jamais ce que tu ressens à ce moment précis!»»

Pour l'ancien claviériste des Grateful Dead, Tom Constanten, la musique et l'esprit de Woodstock n'étaient pas nouveaux pour la plupart de ceux qui ont participé au festival, mais cela l'a été pour les millions de personnes qui ont ensuite vu le film, sorti quelques mois plus tard, et écouté l'album.

La légende de Woodstock continue, mais les tentatives de la faire revivre ont connu des fortunes diverses. Un concert près de Bethel en 1994 a obtenu un certain succès pour le 25e anniversaire, mais un autre pour les 30 ans a viré au désastre et au pillage dans la dernière nuit sur une ancienne base aérienne militaire à New York.

Cela n'empêchera pas Constanten et Havens de revenir à Bethel pour le 40e anniversaire. Le terrain a été racheté dans les années 1990 par le milliardaire de la télévision par câble Alan Gerry qui y a installé le musée et organise régulièrement des concerts dans un amphithéâtre de 4800 places. Le week-end prochain, les nostalgiques de Woodstock pourront notamment y voir jouer Constanten, Havens, Levon Helm, ancien de The Band, Ten Years After et Canned Heat.