Attention, nouveau talent sur le radar francofou: l'auteur, compositeur et interprète Bernard Adamus, qui tentait de se faire un nom avec le pseudonyme Révérend, arrive sur une scène des Francos après s'être fait vivement remarquer il y a quelques semaines, durant le Festival en chanson de Petite-Vallée. Entrevue avec le bluesman urbain, qui nous fait découvrir son univers... brun.

Assis à une terrasse de la Petite Italie, Bernard Adamus raconte ses premiers pas de musiciens à l'extérieur de l'île de Montréal. «C'est un pensez-y bien, dit-il, terre à terre. Aller à Québec, par exemple, deux heures et demie de route, des musiciens à déplacer, on a peur qu'il n'y ait que 12 personnes au spectacle. Je commence seulement à faire des spectacles hors de la ville.»

 

Au sympathique FouBar de la rue Saint-Jean, dans le beau quartier de Québec, il y a un peu plus de deux semaines, Bernard Adamus donnait son premier concert de la journée, programmé au Off Festival d'été de Québec. Le musicien pouvait souffler: le petit bar était plein à craquer, d'amis comme de curieux, venus prendre la pleine mesure de ce bluesman qui a du Plume, du Fred Fortin et du Beck (époque One Foot in the Grave) dans le pif. Le concert a été incandescent. Une révélation, qu'on vous invite à faire à votre tour, ce soir, 21h.

Le son d'Adamus ne révolutionne rien, un alliage de chanson et de blues. «Pas du beau blues électrique, le blues du Sud, le plus du Mississippi, c'est le seul blues que j'aime», commente-t-il en citant ses inspirations, R.L. Burnside, Mississippi Fred McDowell, entre autres légendes. Il ne révolutionne rien, mais son authenticité, cette fureur, passent comme un coup de fraîcheur sur cette scène musicale québécoise qui renoue d'éloquente manière avec son américanité.

«Québécana» ?

D'autres avant Adamus ont poussé la chanson sur des airs de folk, de country et de blues avec conviction. Dany Placard, Fred Fortin, Yesterday's Ring, Avec pas d'casque, Bivouaq, Band de Garage, ils sont désormais si marquants qu'on a envie de leur accoler une étiquette. Allons-y pour «québécana», en référence à l'americana des Wilco, Son Volt, Whiskeytown, Blue Mountain et compagnie, elle-même ancrée dans la tradition des Gram Parsons, Emmylou Harris, The Band...

Le premier album d'Adamus, Brun, a été lancé en mai dernier dans une injuste indifférence; complètement autoproduit, ne bénéficiant d'aucune machine promotionnelle, il a fallu un détour au Festival en chanson de Petite-Vallée pour que son nom commence à circuler.

De Plume, il transpire l'alcool et les images juvéniles. «Souvent, mes idées de chansons me viennent lorsque j'ai bu, avoue-t-il en justifiant ce thème récurrent dans son oeuvre. Des fois, je suis saoul content, des fois, je suis saoul misérable. Mais ce sont des flashs: je n'écris pas systématiquement quand j'ai bu. J'accumule des papiers, des idées, que je mets dans une pile.»

Né en Pologne

Ses chansons ont souvent le même décor, celui du Centre-Sud et d'Hochelaga. Montréal. «Je n'ai pas grandi là. Je suis né en Pologne, arrivé ici à l'âge de 3 ans, avec mon frère et ma mère - une battante, une vraie. Deux valises, deux flos, go, on déménage. J'ai habité un peu à Hochelaga, plus tard. Mais nous, on a été «luckeux». En arrivant, nous avons abouti dans Rosemont. Mais une dame de la communauté polonaise avait un immeuble dans Outremont, elle nous a laissé un appartement. Ça m'a permis de «bummer» dans les rues d'Outremont...»

Ce sont néanmoins les quartiers moins choyés de la ville qui ont inspiré cet enfant de la loi 101. «La misère, c'est hallucinant. J'ai habité Champlain et Ontario, c'était quelque chose. Ben du monde, ça parle fort, ça sacre, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.»

Tôt, il a appris à gratter la guitare, assez pour oser monter sur une scène et, depuis trois ans, commencer à composer ses propres chansons. «J'étais tanné de jouer celles des autres. J'ai mis assez de temps à trouver comment mettre des mots sur mes musiques qu'aujourd'hui, je suis vraiment content de chanter en français.»

«J'avais un groupe de «covers» de blues qui s'appelait Véranda. Un jour, quelqu'un est venu me voir pour me dire que je jouais comme un grand-père de 80 ans. Je sais que je joue mal, mais j'avais trouvé ça trippant de me faire dire ça. Tu fais juste trois accords, mais ça cogne.»

De bar en bar, Révérend, devenu simplement Bernard Adamus, a trouvé son aise, son aplomb, sa force: accrocher l'oreille du spectateur avec d'exutoires sing along - Brun (la couleur de l'amour) ou la chanson à répondre La Rue Ontario - pour enfoncer des textes critiques et réalistes, comme l'intense La Question à 100 piasses, ou de touchantes ballades comme cette magnifique Acapulco.

Avec ses trois accompagnateurs réguliers, Bernard Adamus présente un tour de chant d'une rare générosité, constitué de chansons à découvrir.

À 21h, sur l'esplanade de la Place des Arts.