Quoi de mieux que de s'inspirer de Radiohead pour prendre des leçons de marketing 2.0? On pourrait croire qu'Arctic Monkeys n'a rien à apprendre à personne en la matière, ayant connu une ascension fulgurante après que ses premières maquettes eurent circulé de bouche à oreille sur le site MySpace, en 2005, avec le succès que l'on sait. Or, Arctic Monkeys a emprunté à la bande à Thom le concept de webdiffusion exclusive d'un concert pour mousser la sortie de Humbug, son troisième album.

La chose n'a pas tout à fait l'envergure du live de Radiohead - elle vient de se terminer au moment où j'écris ces lignes, c'était jeudi dernier - , mais en une trentaine de minutes bien serrées, le groupe a levé le voile sur sa nouvelle direction sonore.

«Tu as raison, c'est certainement un disque qui nous amène dans de nouvelles directions musicales, assure Matt Helders. Tous ceux à qui nous l'avons fait entendre jugent que c'est un changement de son assez notable. Je crois qu'après deux albums, nous étions mûrs pour essayer quelque chose d'autre.»

«Honnêtement, je ne saurais trop dire comment ça s'est articulé, tout ça. Nous avons enregistré un tas de chansons, ce n'est qu'à la fin qu'on a fait le tri, pour conserver celles qui nous semblaient les plus originales.» Enregistré «dans le superbe désert Mojave, là où il y a le Joshua Tree» avec nul autre que Josh Homme (Queen of the Stone Age), ce nouvel album semble imprégné de la grande et riche tradition rock psychédélique californienne. «Mais avec des teintes assez sombres», prévient le batteur.

La griffe de Homme n'y est pas, en soi, perceptible; Arctic Monkeys n'est heavy que dans les thèmes et les mélodies insidieuses. Sur scène, selon ce qu'on a pu voir dans la webdiffusion, les chansons sortent de leur belle torpeur pour prendre du ressort. Le document diffusé il y a quelques jours donne certainement envie d'aller les voir demain, à Osheaga.

Déclaration pimentée

Au bout du fil, de la chambre d'un hôtel anonyme des États-Unis, Helders laisse échapper quelques signes de fatigue. Déjà qu'il n'est pas reconnu pour être un grand parleur, ses réponses concises sont débitées sur un ton un peu morne. On ne se surprendra pas que les médias britanniques aient alors envie de pimenter quelques-unes de ses déclarations... «Ah, parce qu'on parle de ça aussi chez vous?» s'étonne-t-il dans un rare moment de sursaut.

«Ça», c'est sa déclaration à propos du récent lauréat du convoité prix Ivor Novello, remis à l'auteur-compositeur le plus méritoire de l'année (The Ting Tings en 2009), qui a fait les choux gras du magasine NME: «Le Ivor Novello semblait être le plus significatif des prix, mais je crois que celui-ci a perdu de sa valeur.» Cinglant. Le NME attend toujours la réplique des Ting Tings - elle viendra peut-être de Montréal, puisque le duo doit jouer à Osheaga demain, quelques heures avant Arctic Monkeys...

«Bah, tout ça a été monté en épingle, désamorce le batteur. C'est moins aux Ting Tings que je m'en prenais, tu comprends...» Il faut bien dire que, en matière de trophées, Arctic Monkeys connait la chanson. Le Novello, le groupe l'a remporté en 2007 pour l'impeccable Whatever People Say I Am, That's What I'm Not. Une chanson qui leur a aussi permis de mettre la main sur le prestigieux Mercury Prize. On vous dispense de la nomenclature des autres statuettes remportées ces trois dernières années.

Tout ça pour dire que si Arctic Monkeys peut compter sur des admirateurs de première heure en Amérique du Nord, l'engouement n'a pas de commune mesure avec leur rayonnement en Grande-Bretagne, où ils ont su conserver leur titre de sauveurs du rock depuis que le single I Bet You Look Good on the Dancefloor a atteint la première position du palmarès britannique, en 2005.

«Je sens que le public nord-américain est plus attentif et moins fou que chez nous, ou ailleurs en Europe, perçoit le musicien. Nous revenons juste d'une tournée des grands festivals là-bas, c'est incroyable. On sent qu'il nous reste encore du travail à faire en Amérique du Nord, mais on sait qu'il y a pas mal de fans qui nous attendent.»

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Demain, 20 h, sur la scène de la Montagne. Humbug sera lancé le 21 août prochain.