Les Garifunas sont une des plus intrigantes communautés d'Amérique centrale. Dispersés au Guatemala, au Honduras et au Belize, ces descendants d'esclaves africains forment une enclave culturelle «black» qui n'a rien à voir avec le reste de la population latino. Ils ont leur propre folklore, leur propre gastronomie, leur propre drapeau et, surtout, leur propre langue, le garifuna, une sorte de créole dérivé de l'arawak (autochtones des Antilles).

Si on les connaît peu, c'est parce qu'ils sont peu nombreux. Pas plus de 100 000 (selon Wikipédia), la plupart au Belize où ils forment 6 % de la population. Minoritaires et discriminés dans un continent globalement hispanophone, ils résistent tant bien que mal à l'assimilation, et ce, malgré une certaine représentation politique.

Voilà pourquoi Desiree Diego et Sofia Blanco ont décidé de collaborer au groupe Umalali, qui sera en concert ce soir à Nuits d'Afrique. Pour les deux femmes, la musique reste encore le meilleur moyen de faire rayonner la culture garifuna au-delà de l'Amérique centrale. «Umalali nous permet de voyager dans le reste du monde, explique Desiree, une Bélizienne de 35 ans. C'est une bonne chose. Les gens sont toujours surpris d'apprendre que nous existons et c'est un peu notre mission. Nous sommes des ambassadrices.»

Une formation toute féminine

Pour faire une histoire courte, le groupe Umalali a enregistré son premier album en 2007, cinq ans après avoir été mis sur pied par le producteur bélizien Ivan Duran. La formation a ceci de distinctif qu'elle ne comprend que des femmes (22 sur disque, quatre sur scène), dont la plupart n'avaient chanté que de façon informelle dans des fêtes, à la maison ou lors de cérémonies religieuses.

Ce choix n'a rien de gratuit. Car les femmes sont les premières gardiennes de la culture garifuna. Ce sont elles qui élèvent les enfants et transmettent la langue. Et ce sont elles qui chantent pendant la journée, au gré de leurs tâches domestiques. «Nous avons beaucoup de temps pour penser à de nouvelles chansons, précise Sofia, 56 ans, qui a composé plusieurs titres avec son mari. Qu'on soit en train de laver ou de faire la cuisine, chanter nous permet d'alléger le travail.»

Dans la vraie vie, Sofia est reine du foyer. Desiree a déjà été agente de sécurité et boulangère. Elle se spécialisait dans la fabrication du pain de manioc, une tradition culinaire typiquement garifuna, dont le processus est long et complexe. Elle souligne fièrement qu'elle est la plus jeune femme de Dangringa (une ville à forte population noire, au sud du Belize) à posséder cette science.

Il va sans dire, l'aventure Umalali a grandement chamboulé leur quotidien. Depuis que le disque est sorti, elles passent presque plus de temps sur la route que dans leur cuisine. Sans avouer qu'elles se sont habituées au confort de la tournée, elles admettent que désormais, leur vie n'est plus tout à fait la même.

«Je n'aurais jamais cru que la chanson m'aurait menée aussi loin et je remercie Dieu pour cette opportunité, s'exclame Desiree. En tournée, on se sent comme des reines. Ce n'est pas toujours évident de revenir à notre vraie vie. Mais on est tellement habituées que ce n'est pas si dur de s'y remettre...»

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Umalali, ce soir 20 h 30 au Kola Note