C'est bien connu, même les rockeurs vieillissent. Et cela ne fait pas exception pour Kiss, qui se produisait hier dans un Centre Bell plein à rabord, pour sa tournée 35e anniversaire.

On a beau aimer Gene Simmons et Paul Stanley sans condition, l'épaisseur du maquillage ne parvenait pas à masquer l'outrage du temps. Les deux fondateurs de Kiss, seuls rescapés de la formation originale, ont presque 120 ans à eux deux. Et il y avait quelque chose d'un peu grotesque à les voir se trémousser dans leurs costumes de spandex, du haut de leurs bottes de sept pouces, grimés comme des geishas japonaises, comme s'ils avaient encore la jeune vingtaine.

Est-ce que cela diminuait en soi la valeur du spectacle? Pour être francs, pas vraiment. On aurait évidemment préféré voir Kiss en 1976, à la grande époque des disques Love Gun et Destroyer. Les attraper sur le tard, 30 ans et des poussières plus tard, équivalait à embrasser une vieille tante beurrée au mascara.

Mais un show de Kiss, même défraîchi, restera toujours meilleur que 90 % des shows d'aréna de la planète rock. Comprendre que la formation, fidèle à sa réputation, n'a pas lésiné sur les moyens pour nous convaincre que malgré les rides, il est encore et toujours «the hottest band in the world» (le groupe le plus hot sur Terre).

Explosions, glace sèche, pyrotechnie, solos de batterie sur plateformes en élévation, guitares bazzookas, projections, «crachage» de feu, langue de sept pouces, tempêtes de confettis : toute l'artillerie lourde de Kiss y est passée, comme dans le bon vieux temps.

Bon. Cette spectaculaire mise en scène étonne moins qu'il y a 35 ans. De ce côté, Kiss ne s'est jamais vraiment renouvelé. Mais comme on dit, on ne change pas une formule gagnante. Surtout quand elle rapporte des millions, De toute façon, personne au Centre Bell ne semblait s'en plaindre. Ils venaient voir Kiss et ils en ont eu pour l'argent. On ajoutera que malgré leur presque soixantaine, Simmons (basse, voix) et Stanley (voix, guitare) n'avaient rien perdu de leur stupéfiante énergie. A tel point qu'à côté d'eux, les deux « jeunots » du groupe, Eric Singer (batterie) et Tommy Thayer (guitare solo) semblaient quasiment apathiques.

Et la musique? Du bonbon pour les fans. En plus de deux heures de spectacles, ponctuées de longs jams parfois interminables, le groupe a rejoué généreusement - et très, très fort - toutes ses grosses «tounes» des années 70, en insistant plus particulièrement sur les classiques de ses trois premiers albums (Cold Gin, Black Bottom, Strutter, Deuce, Rock & Roll All Nite etc.). De fait, il a fallu attendre le rappel pour entendre des succès comme Shout it Out Loud, Lick it Up ou I Was Made for Loving You.

De 7 à 77 ans

On a souvent réduit Kiss à un monstre scénique, camouflant ses carences musicales par de la poudre aux yeux. Mais avec du recul, force est d'admettre qu'au-delà de l'esbroufe, le groupe new-yorkais a aussi écrit quelques bonnes chansons qui méritent de durer.

Chose certaine, son public lui, se renouvelle sans cesse, ce qui n'est pas le cas de la plupart des dinosaures du rock. Hier au Centre Bell, la foule comptait autant de quarantenaires, que d'ados et d'enfants. Certains, peu importe l'âge, avaient même poussé le trip jusqu'à s'habiller et se grimer comme les membres du groupe.

C'était le cas de Julien et Jean-Alexandre, 15 ans tous les deux, rencontrés juste avant le spectacle. Trop jeunes pour aimer Kiss? Jamais de la vie. «Tout le monde aime Kiss! On a eu le bon exemple avec nos oncles et nos parents. Ils avaient les vinyles. On est tombés là-dedans. Une fois que t'as découvert le bon vieux rock, tu ne peux plus rien écouter d'autre. La musique, les maquillages, les textes, les décibels, c'est trop hot...»