Pour clore en salle «cette merveilleuse édition qui s'est passée de façon merveilleuse», dixit Alain Simard, la programmation en salle du 30e Festival international de jazz de Montréal s'est terminée hier par le concert intitulé Montréal Variations.

Présenté au Théâtre Maisonneuve, il s'agit d'un concept inspiré d'un album-compilation du même nom (sur étiquette Analekta), dont l'objet est d'associer un pianiste montréalais à un lieu ou un quartier de son choix. Chaque partie au programme s'ouvre par les premières notes de la chanson-thème de l'Expo 67 (Un jour un jour), puis on projette des photos de chaque artiste, croquées dans leur lieu de prédilection.

Ainsi, Lorraine Desmarais propose d'abord cette variation sur le thème, pendant que défilent les images de métro sur grand écran. Lorsqu'elle démarre sa pièce principale, Mont-Royal Romance, on la voit simultanément mise en scène à la montagne montréalaise. Ainsi, on a droit à une ballade jazz de facture moderne. Rigoureusement construite, assez forte en émotions.

François Bourassa, lui, a choisi l'Oratoire. Après une introduction de piano préparée autour du thème récurrent, on retrouve le pianiste dans les marches de l'Oratoire, pendant que se déploie sur scène sa composition originale, mélange d'impressionnisme, d'effets pianistiques plus contemporains, de progressions harmoniques typiques du jazz.

Luc Beaugrand évoque ensuite un après-midi pluvieux dans le Mile-End. Son introduction s'annonce plus vigoureuse, tout comme sa pièce principale - Un macchiato sur St-Viateur. On sait que Beaugrand est pianiste de jazz (et plus encore) depuis belle lurette, c'est ici l'occasion de nous rappeler qu'il joue très bien.

À son tour, Jean-François Groulx est mis en scène au parc Maisonneuve. Son jazz pianistique est traversé par un rythme chaloupé, sa pièce principale comporte des mélodies et progressions harmoniques qui ne manquent pas de lyrisme, et se conclut avec un ajout percussif interprété à même le corps du piano.

On projette alors un film où le pianiste Alain Lefèvre est mis en scène dans le quartier qu'il a choisi, cet exercice de style jazzistique s'inspire de Ville-Émard. Sur scène, toutefois, Lefèvre brille par son absence.

Guy Dubuc, un pianiste qui n'est pas tout à fait associé au jazz, déambule (en photos) sur la Main. Après avoir réharmonisé Un jour un jour de manière purement jazzistique, il nous transporte sur la Main, dont les rythmes hachurés du thème principal ne sont pas sans rappeler Monk. Ce qui ne signifie en rien que Dubuc a pastiché le célébrissime visionnaire.

James Gelfand, lui, c'est le Saint-Laurent. Il s'imagine au bord du fleuve avant la colonisation, sa variation sur Un jour un jour comporte des lignes de basse solidement jouées à la main gauche... et même une citation de Take The A Train. Voilà une des séquences les plus virtuoses de la soirée, pendant qu'on voit bouillonner les Rapides de Lachine, filmés en noir et blanc.

Guy Saint-Onge? Le Jardin Botanique. À l'instar de François Bourassa, il a choisi le piano préparé avant de se lancer dans un exercice assez percussif. Il faut dire que Saint-Onge est aussi excellent vibraphoniste et percussionniste. Au piano, il se dépatouille assez bien, et camoufle ses carences de fluidité par une connaissance harmonique certaine mais... il n'a pas exactement le niveau de ses collègues.

Pour clore la sélection, Oliver Jones évoquera Saint-Henri, qu'il estime «le centre gospel de Montréal». Cette musique qui sort de ses longs doigts nous rappelle le Montréal jazzistique des années 50 et 60, mais aussi New York, la côte Est nord-américaine. Sa composition est effectivement marquée par le gospel, le blues et les enrichissements harmoniques typiques de son jeu.

Pour boucler la boucle, chaque pianiste revient conclure: Lorraine Desmarais propose d'abord une jazzification de Je reviendrai à Montréal, classique de Charlebois que reprendra François Bourassa en duo avec sa collègue pour ensuite partager l'impro avec Luc Beaugrand. Et ainsi de suite.

Sympa, sans prétention, idéal pour une initiation au piano jazz.

En début de programme, le quartette d'une pianiste de Vancouver, Amanda Tosoff, a reçu le Grand Prix de Jazz General Motors. Comme c'est la tradition depuis 1983, la formation gagnante a ouvert le concert de clôture en salle. Plus que de bons étudiants? Ça reste à voir. Et on retient ces noms: Amanda Tosoff, piano, Morgan Childs, batterie, Evan Arntzen, saxo ténor et soprano, Sean Cronin, contrebasse.

Par ailleurs, le prix Étoiles-Galaxie de la Société Radio-Canada, pour la meilleure composition originale d'un jeune musicien (ou groupe) a été attribué au pianiste Vincent Gagnon.

À l'an prochain!