S'il n'a plus la voix qui lui permettait d'étirer la note finale de You Are So Beautiful, Joe Cocker a suffisamment de métier pour combler ses fans de longue date qui emplissaient la salle Wilfrid-Pelletier hier soir. Tant et si bien que You Are So Beautiful, justement, lui a valu une ovation, tout comme Unchain My Heart et l'inévitable With a Little Help From My Friends, qui en a fait une supervedette instantanée à Woodstock il y a 40 ans.

Cocker a encore et toujours cette voix gutturale dont il s'est servi par secousses dans les pièces plus rythmées avec lesquelles il a lancé la soirée. Hitchcock Railway, Feeling Alright et The Letter en partant, avouez que le monsieur sait comment faire plaisir à son public. Les incontournables se sont succédé ainsi pendant 90 minutes, avec deux sélections moins rassembleuses comme autant de moments de répit: When the Night Comes, ordinaire, et N'oubliez jamais, que Cocker a décrite comme la french connection de son spectacle.

Cocker s'exprime moins par ses mains et son faciès tout en grimaces qu'à ses débuts, et on dirait qu'il sent le besoin de nous prouver que ses cordes vocales n'ont rien perdu de leur rugosité en criant trop souvent comme s'il se râclait la gorge. Tant et si bien qu'on craint qu'il ne puisse pas faire le travail quand il chante une ballade pendant laquelle sa voix est moins bien entourée. Pendant Up Where We Belong, ladite voix est plus basse, mais Cocker s'en tire plus qu'honorablement même si sa choriste n'est pas à la hauteur de Jennifer Warnes.

De toute façon, Joe Cocker a toujours eu d'autres atouts dans son jeu. D'abord, sa manière très particulière de donner une toute nouvelle personnalité aux chansons qu'il emprunte. On l'a encore constaté hier quand il a chanté Come Together des Beatles, comme il le faisait dans le film Across the Universe il y a deux ans. D'autres chansons, comme Cry Me a River et You Can Leave Your Hat On sont tellement indissociables de Joe Cocker qu'on a oublié depuis longtemps qui les a créées.

L'autre force de Joe Cocker, c'est la musique riche et pleine de soul qui sert si bien ses chansons, particulièrement le piano, irrésistible, qui leur donne de l'allant dès les premières mesures et l'orgue Hammond qui ajoute une couleur essentielle, deux instruments que Cocker a confiés à des pros.

Curieusement, les rappels ont été un peu moins intenses, d'une Delta Lady un peu molle jusqu'à Long As I Can See the Light où même un Joe Cocker ne saurait faire oublier l'interprétation fiévreuse de John Fogerty.

Mais ce ne sont là que de tout petits bémols qui ne diminuent en rien le bonheur qu'ont ressenti les fans de Joe Cocker hier soir.