Le jazz torontois peut compter sur l'excellent pianiste Hilario Duran et le jeune virtuose David Vireles, tous deux d'origine cubaine. Le jazz montréalais? Un autre pianiste cubain s'y distingue: à 26 ans, Rafael Zaldivar, lauréat de la compétition du festival Jazz en rafale, n'a pas fini de faire parler de lui.

Q : D'où provenez-vous exactement à Cuba?

R : De Camagüey, dans le centre du pays. J'y ai commencé à étudier le piano à l'âge de 10 ans. J'y ai poursuivi mes études au Conservatoire Jose White, avant de passer deux ans à l'Institut des arts de La Havane - études en piano, percussions et composition. Je vis à Montréal depuis quatre ans, je compte y rester et obtenir bientôt la citoyenneté canadienne. Je crois beaucoup à l'intégration québécoise, je suis heureux de vivre ici.

Q : Pourquoi avoir choisi le Canada?

R : Je donnais des cours d'harmonie à La Havane, j'y ai connu ma femme à qui j'enseignais: Lisanne Tremblay est violoniste, elle étudie actuellement le jazz à McGill. Elle m'a proposé de venir à Montréal pour y poursuivre mes études et y lancer ma carrière. J'ai donc terminé mes études de premier cycle à l'Université de Montréal, pour ensuite m'inscrire à la maîtrise en piano jazz (interprétation) que je termine actuellement - j'ai étudié entre autres avec le saxophoniste Rémi Bolduc et le pianiste Jan Jarczyk, deux excellents musiciens.

Q : Quels sont vos pianistes préférés?

R : Adolescent, j'écoutais surtout les meilleurs pianistes cubains de jazz: Grabiel Hernandez, Gonzalo Rubalcaba, Chucho Valdés, Emiliano Salvador, Frank Emilio Flynn. Puis, je me suis sensibilisé aux pianistes américains, en commençant par McCoy Tyner, Herbie Hancock, Chick Corea. À Cuba, cependant, je n'avais pas d'influences be-bop ou swing. Tout a changé lorsque j'ai eu des cours privés avec Kenny Barron, Danilo Perez et Herbie Hancok - ce dernier avait accepté de me recevoir dans sa chambre d'hôtel à La Havane! Danilo Perez est pour moi un modèle, car il est un musicien latino-américain qui a vraiment fait ses devoirs côté jazz.

Q : Que voulez-vous atteindre en tant que musicien?

R Le plus important pour moi, c'est de faire ma recherche personnelle en devenant solide dans le langage traditionnel du piano jazz. Aussi, il m'importe d'inclure mon bagage de musique traditionnelle cubaine. Le principe de la tradition est le plus important pour moi: il me faut maîtriser ma tradition cubaine, mais aussi Art Tatum, Bud Powell, Lennie Tristano, Herbie Nichols, Andrew Hill et tous les grands pianistes qui ont marqué le jazz. Chacun de ces musiciens a suggéré un prolongement au langage, un prolongement qui se fonde toujours sur ce qui avait été accompli auparavant.

Q : Présentez-nous votre ensemble, avec qui vous avez remporté la compétition Jazz en rafale.

R : Je travaille avec le contrebassiste Nicolas Bédard (27 ans) et Kevin Warren (23 ans), nous allons enregistrer ensemble un premier album chez Effendi. J'ai fondé ce trio il y a environ un an. Nicolas et Kevin sont de très bons musiciens de ma génération: attentifs, forts intellectuellement, capables d'analyser chaque contexte musical. Et ils visent haut. Je compte faire évoluer ce trio qui peut se transformer en quartette - avec le saxophoniste Eric Hove. Et j'ai d'autres projets. En octobre prochain, par exemple, j'inviterai à l'Upstairs Franciso Mela, un superbe batteur cubain établi à New York. Pour l'international? Le saxophoniste Joe Lovano s'intéresse à ma musique, il m'a demandé de lui envoyer du matériel enregistré. On ne sait jamais...

Le trio de Rafael Zalvivar se produit ce soir, à 20 h 30, à l'Upstairs.