La famille de musiciens montréalais qui ont défini les musiques du monde québécoises depuis 25 ans se réunit ce soir à l'Astral pour rendre un hommage tout en jazz, kompa, salsa et rara à l'unique Éval Manigat, compositeur, arrangeur, multi-instrumentiste et charismatique rassembleur, décédé en août 2008.

Il n'est jamais trop tard pour bien faire, mais il aura tout de même fallu attendre l'hommage proposé par le Festival de jazz pour que la musique de Manigat puisse être entendue en salle, plutôt que sur une scène extérieure, où il s'est déjà produit. Ami et complice de longue date, le saxophoniste, arrangeur et chef d'orchestre Yvan Belleau assurera la direction artistique de l'hommage, auquel participeront presqu'une vingtaine de musiciens parmi lesquels Karen Young, Jean-Pierre Zanella, Stephane Moraille, Harold Faustin, Jean Vanasse et Martial Méroné, frère du célébré, qui dirigera la section rythmique.

 

«J'ai été le premier Blanc avec qui il a joué ici, lorsqu'il est arrivé d'Haïti, à la fin des années 70», se rappelle Yvan Belleau. «J'enseignais dans une école de musique à l'époque, qui était la propriété d'un Haïtien. C'est lui qui m'a présenté Éval, on a commencé à travailler ensemble. Pour moi, les musiques antillaises étaient totalement nouvelles - je me souviens qu'il m'avait demandé de travailler les arrangements sur une pièce, et, en lui rendant le travail une semaine plus tard, il m'a fait remarquer que j'étais un demi-temps à côté du rythme... Il trouvait ça très drôle.»

C'est toute une génération de musiciens québécois qui s'est ouverte aux rythmes du Sud grâce à Éval Manigat. Les musiques venues d'Afrique, certains rythmes brésiliens et cubains avaient déjà traversé les frontières jusqu'à nous (notamment grâce à l'Expo 67), mais les musiques antillaises et latino-américaines n'avaient jamais vraiment pris racine à Montréal, jusqu'à ce que le défunt décide d'y faire son nid.

Le percussionniste Lazaro René, qui sera aussi sur scène ce soir, est arrivé à Montréal de Cuba en 1981. «C'est la première personne avec qui j'ai joué de la musique ici, raconte-t-il. Nous parlions le même langage. Il comprenait parfaitement les musiques latines, et il débordait d'idées pour des projets musicaux. J'ai été de tous ses projets, les groupes Many Ways - Karen Young chantait avec nous -, Tchaka... J'ai appris beaucoup à ses côtés.»

De son premier groupe kompa, Vaccine, en passant par Buzz (jazz-kompa), Many Ways et Tchaka (fusion de jazz, rock, latin, kompa...), Éval Manigat rassemblait les talents d'ici pour amalgamer les influences musicales, jazz, haïtiennes, latino-américaines. «Il voulait vraiment créer un son montréalais, je crois qu'il y est arrivé», dit son frère Martial Méroné, qui s'investit aussi aujourd'hui dans le soutien de l'Académie de musique Saint-Marc, en Haïti, fondée par Manigat.

«Pour l'hommage, on fera une rétrospective de tous les projets d'Éval, indique Yvan Belleau. Une panoplie de gens qui ont travaillé avec lui au fil des ans y seront.»

«Pas grand-chose nous unissait lorsqu'on s'est rencontré, la première fois, ajoute-t-il. Mais c'est quelqu'un qui aimait tisser des liens avec sa communauté de musiciens, c'est pour ça qu'il a laissé sa marque. Beaucoup de gens ont appris à maîtriser la salsa, la musique latino, la musique antillaise en travaillant avec lui. Je peux vous dire qu'il a influencé beaucoup de musiciens d'ici sur la bonne façon de jouer cette musique, qu'il a ouvert les horizons pour tous ceux qui font de la musique du monde aujourd'hui.»