On lui passe volontiers un coup de (sans) fil parce qu'elle a fait la première partie de Charlie Haden l'an dernier... et que sa prestation avait été bien assez vibrante, bien assez singulière, bien assez habitée pour qu'on souligne son retour à Montréal.

Jazz moderne, musique classique, klezmer, musiques brésiliennes et afro-cubaines, tango nuevo, sémitisme et africanité constituent le vaste langage musical d'Anat Cohen.

«J'aime toutes ces musiques, elles font désormais partie de ma musique», dit-elle d'une voix à la fois enjouée et assurée. Anat Cohen ne semble pas du genre à passer par quatre chemins! Opiniâtre, dites-vous?

«Vous savez, résume-t-elle, chaque compositeur procède à sa propre fusion d'influences qui représentent ses goûts et sa trajectoire. Je ne suis pas différente des autres artistes ouverts, je crois. J'aime me retrouver dans différents contextes musicaux.

«Depuis longtemps, je crois à cette idée: la musique, c'est la musique. Quelles qu'en soient les origines, quel qu'en soit le genre ou l'époque qu'elle représente. Je crois en ce sens qu'il faut faire l'expérience de l'authenticité des sons qui nous touchent profondément. J'estime nécessaire de plonger dans une tradition lorsque j'écris ma propre musique. J'essaie de proposer mon propre mélange.»

Anat Cohen vit à New York depuis 10 ans. Elle a quitté Tel Aviv en 1996. Inutile d'ajouter qu'elle est partie de loin pour se tailler une place sur la planète jazz.

En passant par l'armée de l'air...

«Enfant, j'ai commencé par la clarinette classique. Côté jazz, j'ai d'abord fait du dixieland, je m'y suis mise plus sérieusement alors qu'on m'a inscrite à une école secondaire orientée vers les arts. Plus tard, j'ai fait mon service militaire et je me suis retrouvée dans le big band de l'armée de l'air, après quoi j'ai obtenu une bourse d'études pour étudier au Berklee College of Music. Par la suite, j'ai joué dans différentes formations où j'ai acquis l'expérience que j'ai.»

À l'écoute de son jeu de clarinette, on ne peut qu'applaudir la richesse du son, la projection, la justesse et la précision du doigté.

«La clarinette a émergé de nouveau dans ma vie, explique la musicienne. Pendant quelques années, le saxophone fut mon principal instrument. La clarinette domine maintenant mon expression en tant que musicienne. J'aborde cet instrument d'une manière différente, il faut dire; par exemple, je n'hésite pas à l'utiliser pour l'interprétation de musiques brésiliennes, colombiennes, argentines, etc.»

«La clarinette, renchérit la musicienne, est un instrument fantastique qu'on associe malheureusement à des styles plus anciens de jazz. Les gens ne savent tout simplement pas que cet instrument peut s'inscrire dans toutes les musiques d'aujourd'hui.»

Ses modèles de clarinettistes jazz? Elle cite Paquito D'Rivera dont elle adore le jeu, ainsi que Ken Peplowski, qui l'a vraiment motivée à se remettre à cet instrument trop associé au jazz primitif et au swing des années 30 ou 40.

Elle précise davantage: «Ma sonorité, je crois, provient de l'école classique. À la clarinette, j'ai aussi repris certaines façons de jouer que j'avais développées au saxophone - je joue le ténor, l'alto et le soprano. Vous savez, il y a une infinité de manières de choisir votre son et votre approche de l'instrument. D'abord et avant tout, il vous faut rester honnête avec ce que vous entendez... et avec ce que vous jouez.»

Anat Cohen se produit ce soir, 21h, à l'Astral. Elle sera accompagnée du guitariste Glad Hekselman, du contrebassiste Joe Martin et du batteur David Freedman.

 

En un mot

L' Israélienne Anat Cohen est parmi ces rares musiciens de jazz à redorer le blason de la clarinette dans le contexte actuel.

Album essentiel

Notes From The Village, un jazz imaginé au coeur de Manhattan, mais aussi traversé par l'Afrique, le Moyen-Orient et les hybridations modernes du Nouveau Monde.