Quelle bête, quand même, ce Patrick Watson! Interprète doué, compositeur allumé bien entouré des trois complices du groupe qui porte son nom, il sait jouer l'audace tout en charmant son auditoire. Ainsi, hier soir, l'enjôleur a réussi son pari de faire de sa pop somme toute assez exigeante une musique à si grand déploiement qu'elle puisse attirer, fasciner, puis amuser une foule composée de plusieurs dizaines de milliers de personnes - c'est moins de gens qu'à Stevie Wonder, et tant mieux, ajouteront les fans.

Et il a réussi tout ça malgré les cafouillages, les problèmes techniques et en interrompant un morceau en plein milieu!

Décrit ainsi, le concert a l'air pire qu'il ne l'était. Car, soyons clairs, Patrick Watson et ses invités ont donné un bon concert - pas le meilleur que le groupe ait offert en carrière, mais en tout cas le plus inattendu, voire le plus spontané, si une telle chose puisse être possible après des semaines de préparation en vue de cet événement spécial.

Les chansons de son plus récent album, Wooden Arms, constituaient la matière première du spectacle. Un disque, rappelons-le, généralement plus doux et nuancé que l'était Close to Paradise, le précédent. Cela, en soi, constituait le grand défi du «Watson Orchestra»: comment transposer devant la plus grosse foule possible un disque qui s'apprécie dans l'intimité d'une petite salle (ou de son salon, sa paire d'écouteurs)?

Réponse: en doublant d'intensité et en accrochant des grelots un peu partout autour des musiciens. Des grelots? Des feux d'artifices, comme ceux qui ont illuminé le Musée d'art contemporain au rappel, pendant Luscious Life (la seule chanson tirée de l'album Close to Paradise de la soirée). Des projections imaginatives et des jeux d'éclairages et d'ombrages pendant toute la soirée. Et ces surprises...

En ouverture, sur la chanson Fireweed, des figurants faisaient du bruit en froissant des feuilles d'aluminium, tout un boucan accompagnant les images de flammes projetées sur le mur du musée. Derrière un écran, la silhouette de Watson, et le lent décollage de cette première portion du spectacle, dense, rock et vulnérable.

Cordes et cuivres ont ensuite rejoint l'orchestre de base, les Simon Angel (guitare), Mishka Stein (basse) et Robbie Kuster (batterie), à temps pour Beijing, l'un des plus beaux titres de Wooden Arms. Tout en haut d'une plateforme, l'ami Jace (était-ce bien Lasek, de Besnard Lakes?), en complet, pédalait sur un vélo alors qu'on faisait défiler des paysages urbains.

Durant ces 40 premières minutes, nous n'entendions que l'orchestre. La foule était d'un silence admiratif pour ce concert de chanson pop rock luxuriante. Même la nouvelle chanson présentée, 12 Steps (très belle, interprétée avec le concours de Lhasa), nous a totalement happés.

Des problèmes techniques

Or, après une session d'improvisation free jazz sur un vieux film en noir et blanc (avec Yannick Rieu au saxophone), ça s'est mis à déraper. En nous présentant un type venu d'Inde (et trouvé sur YouTube!) pour nous faire des marionnettes d'ombres avec ses mains. Ç'aurait pu être bon, mais les problèmes techniques nous ont plutôt laissés dubitatifs. Puis, comme il l'avait fait au Métropolis pendant le Festival de jazz il y a trois ans, Watson et ses musiciens sont venus nous chanter le blues au centre de la foule, équipés de systèmes d'amplification portatifs qui, eux aussi, ont connu des ratés.

Autant la première portion du spectacle nous a donné à entendre de la pop de haute voltige, autant la seconde nous a confondus en cabotinages. À travers tout ça, Patrick Watson n'a jamais perdu son humour, prenant pépins techniques et flammèches d'inspiration en riant et avec un grain de sel. Pour ça, bravo.