Il y a longtemps qu'on a perdu de vue Stanley Jordan, guitariste à la technique originale et rare star du jazz révélée par le vidéoclip. Pour la première fois depuis 1990, le voici de retour au Festival de jazz avec un album où ses compositions côtoient celles de Miles Davis, Antonio Carlos Jobim, Joe Jackson et Mozart.

Q Qu'avez-vous fait ces dernières années?

R J'ai toujours travaillé à ma propre musique, c'est ma passion, mais je n'ai pas fait beaucoup d'enregistrements. J'avais besoin d'un peu de répit, j'ai déménagé dans une très belle région naturelle, loin de la business un peu folle. J'ai lu, je me suis intéressé à la philosophie de l'esthétique et de l'art. Ça m'a donné l'envie de revenir avec une nouvelle approche pour mettre ma musique en marché sans faire de compromis.

 

Q Sur votre dernier album, State of Nature, vous jouez du piano. Vous en jouiez avant de devenir guitariste?

R Le piano a été mon premier instrument. J'ai continué à en jouer pour le plaisir, mais j'avais plus de maîtrise et de connaissance de la guitare. En préparant mon album, je jouais beaucoup de piano et j'ai même songé à engager un pianiste. Mais j'ai résisté. C'est plus facile pour moi d'être un virtuose de la guitare que du piano; avec le piano, tout ce que je peux faire, c'est de la musique. Au piano, je ne cherche pas à épater, c'est plus naturel. Ça serait hypocrite de ma part de dire que les humains doivent vivre d'une façon plus naturelle si je ne le fais pas moi-même en musique.

Q Quand on vous a découvert, au milieu des années 80, on ne parlait que de votre technique. Le regrettez-vous?

R Non, être musicien, c'est forcément avoir un ego et quel que soit mon instrument, j'essaie de jouer à un haut niveau. Au début, j'ai décidé de mettre l'accent sur ma technique, d'abord pour me faire remarquer, mais aussi pour une raison plus subtile. J'ai toujours voulu jouer plus d'un genre de musique, mais on me le reprochait, on me disait que ça ne tenait pas compte de la loi du marché. Je l'ai fait quand même en détournant l'attention sur ma technique. Finalement, les gens ont compris que même si le jazz est ma musique préférée, on ne peut me réduire à un seul genre. Mon but n'est pas de faire étalage de ma technique, mais de faire de la musique. Mes objectifs musicaux m'ont poussé à faire toutes sortes d'expériences comme jouer avec mes deux mains sur le manche de ma guitare, ou jouer de la guitare et du piano en même temps.

Q En concert, vous jouez aussi de la guitare et du piano en même temps?

R Oui, je joue de la guitare d'une main et du piano de l'autre. Pour moi, ça devient un seul instrument. Évidemment, je ne compare pas le résultat avec ce que ça donnerait s'il y avait deux musiciens différents. L'important pour moi, ce n'est pas d'en faire davantage, mais d'unifier les deux instruments. Jouer de deux instruments simultanément, c'est comme être avec deux de mes meilleurs amis. Ça me permet de créer des contrastes de couleurs sur-le-champ et c'est ça qui m'intéresse.

Q Le vidéoclip a lancé votre carrière il y a 25 ans. Avec le recul, diriez-vous que ça vous a aidé ou que ça vous nuit?

R Ç'a été bon pour moi, j'étais très heureux que ma compagnie de disques veuille investir dans les vidéoclips d'un musicien de jazz. Aujourd'hui, le phénomène YouTube m'aide, une autre génération me découvre. J'ai un problème avec le non-respect du droit d'auteur, mais je suis heureux que des jeunes puissent me voir sur YouTube.

Stanley Jordan, à la Cinquième Salle de la Place des Arts, demain, 22h.

EN UN MOT

Une star de la guitare jazz des années 80, révélée par le vidéoclip.

DERNIER ALBUM

State of Nature / Mack Avenue Records

À ÉCOUTER

All Blues, Eleanor Rigby