Tony Bennett, qui va fêter ses 83 ans le mois prochain, croit dur comme fer qu'avec un peu de chance, on peut s'améliorer en vieillissant. Ceux qui l'ont applaudi à tout rompre vendredi soir à la salle Wilfrid-Pelletier n'en doutent plus. Je l'ai vu au moins une demi-douzaine de fois en spectacle et jamais il n'a été aussi éblouissant.

Le monsieur était en voix, on s'en est rendu compte bien avant qu'il ne se mette à pousser cette voix riche, soyeuse et puissante à la fin de quelques chansons. Fort heureusement, le quartette qui l'accompagnait était irréprochable et savait se faire discret pour laisser toute la place au chanteur. Quand un musicien prenait un solo, la vedette de la soirée allait se placer à ses côtés et invitait le public à l'applaudir.

Rares sont ceux qui ont le métier de Tony Bennett, qui peut se permettre tous les trucs, même les plus éculés, et s'en tirer avec des applaudissements nourris. Qu'il esquisse quelques petits pas de danse ou nous fasse un spinorama complet, qu'il raconte une anecdote amusante sur Frank Sinatra, Hank Williams ou Bob Hope, qu'il nous refasse le coup de Fly Me To The Moon chantée sans micro - ça marche à tout coup! - ou qu'il vante deux fois plutôt qu'une Montréal et son festival de jazz, le public en redemande encore et encore. Souvent, le chanteur lui rend la politesse en applaudissant chaudement ce public dont l'enthousiasme est le meilleur carburant qui soit.

Il y en avait pour tous les goûts parmi les 22 chansons que Tony Bennett nous a proposées, de Watch What Happens à The Music Never Ends en passant par l'incontournable I Left My Heart in San Francisco et Sing, You Sinners, qu'il a enregistrée en 1950. En soixante ans de carrière, Tony Bennett a chanté tous les grands de la chanson américaine, des Gershwin à Duke Ellington, Jule Styne et Cole Porter. Qui d'autre peut aligner Just in Time, The Boulevard of Broken Dreams, The Best Is Yet To Come, For Once in My Life (bonjour Stevie Wonder!), The Shadow of Your Smile et The Good Life et se vanter de les avoir toutes enregistrées?

Après tout près de 90 minutes de spectacle, dont un rappel de deux chansons, Tony Bennett est revenu saluer la foule à une demi-douzaine de reprises, ramenant avec lui sa fille Antonia dont le mini-tour de chant en tout début de spectacle était au mieux sympathique.

Qu'importe, ce fut le genre de soirée qu'on n'oubliera pas de sitôt, où le spectateur se sent à la fois léger, rassasié et privilégié.