À guichets fermés, le musicien se produit ce soir au Gesù, fort probablement parce que l'album Invisible Cinema attire assez de jazzophiles qui tiennent à le découvrir en tant que leader. Au Gesù, sa participation au quartette de Joshua Redman sera aussi remarquée avant qu'il ne traverse la rue et débarque à l'Astral pour son propre spectacle.

«Invisible Cinema est déjà derrière moi», prévient Aaron Parks d'entrée de jeu.

«J'en avais écrit le matériel au fil des années précédant sa réalisation... Invisible Cinema illustre bien ce que j'ai fait au cours d'une certaine période de ma vie. J'aime encore la musique qui en ressort, j'aime d'autant plus le travail des musiciens qui y ont participé - Eric Harland, batterie, Matt Penman, contrebasse, Mike Moreno, guitares. Mais il ne s'agit pas du groupe avec lequel je travaillerai à Montréal. Les défis de mon nouvel ensemble sont pour moi différents, et c'est ce qui compte désormais.

 

«Je viens avec un groupe totalement différent: le contrebassiste Matt Brewer, à mon sens l'un des meilleurs de sa génération, et le batteur Ted Poor, un être humain très créatif à mon sens. Nous avons tous sensiblement le même âge, d'ailleurs: j'ai 25 ans, Matt a 26 ans, Ted a 27 ans».

On comprendra qu'Aaron Parks tient à connecter son jazz à l'époque dont il est issu. À témoigner pleinement de sa génération.

«J'adore Paul Bley et Danilo Perez, et tous les grands pianistes connus, mais je ne m'en tiens pas au jazz contemporain. J'écoute de la musique du Mali, de la musique électronique comme celle de Prefuse73. J'aime M.I.A., Radiohead, Sufjan Stevens, Broken Social Scene ou même les meilleurs groupes indies de Montréal. Mais oui, je suis vraiment impressionné par vos musiciens! J'essaie donc de rester au courant de la musique indie, en plus d'écouter jazz et musique classique.»

Aaron Parks affirme d'ailleurs que ces saveurs sont sciemment injectées dans sa musique.

«Lorsque j'écris de la musique, j'ai une idée précise du jeu de batterie, que j'estime le point de départ de mes compositions. Généralement, un compositeur de jazz ne donne pas d'indications au batteur, sauf le patron rythmique de la pièce. Je fais plus, car c'est la base de ma musique. En fait, je fonde ma composition sur des rythmes qui font bouger, qui se connectent avec le corps, qui mènent à la danse. À tout le moins à se remuer!»

Cela étant, Aaron Parks se défend bien d'user de quelque stratégie que ce soit lorsqu'il compose ou improvise.

«Si tu réfléchis à ce que les gens voudraient bien entendre ou encore à ce que tu pourrais bien leur faire entendre, ça ne fonctionne pas. La musique que j'aime ressurgit naturellement dans mon travail. Dans la même optique, je ne pense plus à la technique lorsque je joue. Le piano, je le vois comme une extension de ma voix.»

S'il en avait les moyens, Aaron Parks préférerait se produire en quartette. «La musique que j'ai en tête comporte plus que trois musiciens.» Mais bon, économie du jazz oblige, il lui faut d'abord faire ses preuves.

«Ce tout nouveau trio sera acoustique, présenté en toute simplicité. C'est un vrai défi pour moi de recréer ma musique dans un tel contexte. Ce que je veux d'abord accomplir avec ce nouveau groupe, c'est de faire progresser mon langage en trio, de manière à créer une grande complicité. Nous pourrons ensuite étendre notre travail à un ou plusieurs autres instruments.»

Originaire de Seattle, Aaron Parks s'est installé à New York à 16 ans. Seul? Non. Sa famille a suivi ce jeune ado qu'on estimait prodigieux, une étiquette qu'il s'est appliqué à décoller de sa personne.

«Ma famille m'a beaucoup soutenu, peut-être un peu trop. J'ai enregistré des disques dès l'âge de 15 ans... Dieu merci, peu d'amateurs les ont écoutés! Dieu merci, je ne suis pas devenu cet enfant prodige qui disparaît quelques années plus tard après sa lancée...»

Peu probable, en tout cas, que le jeune homme succombe au syndrome du jeune loup...

Le trio d'Aaron Parks se produit ce soir, 21 h, à l'Astral.

En un mot

Aaron Parks est le pianiste émergent qui fait le plus parler de lui.

Album essentiel

Invisible Cinema, Blue Note. Des rythmes et une sensibilité harmonique qui témoignent parfaitement de la mi-vingtaine du pianiste, compositeur et leader.