Dans un monde idéal, tous et chacun auraient droit à une conversation de 15 minutes avec Tony Bennett. Et l'univers ne s'en porterait que mieux.

Tony Bennett incarne le charme, l'élégance, l'intelligence et la classe dans ce qu'elle a de plus authentique, de moins guindé. Avec lui, pas besoin d'intermédiaire. Le téléphone sonne, vous répondez: «Hello, this is Tony Bennett.» Pas plus compliqué que ça.

Après, la balle est dans votre camp. Vous lui parlez de Stevie Wonder? Il vous apprend qu'ils vont faire un album de jazz ensemble. De Frank Sinatra, son grand ami, dont il était le protégé? Ça tombe bien, le lendemain, il assistera à la première collation des grades de la Frank Sinatra School of the Arts, une école publique pour laquelle M. Bennett et sa femme ont obtenu 70 millions de la Ville de New York.

L'école en question a été construite à Astoria, la petite ville à 20 minutes des gratte-ciel de Manhattan où est né Bennett, et c'est lui-même qui a suggéré qu'elle soit baptisée du nom de Sinatra. Que la salle de concert de l'école porte le nom de Tony Bennett le comble d'aise: «C'est super beau, et l'acoustique y est aussi bonne qu'à Carnegie Hall.»

Et si on parlait de Billy Joel, l'un des nombreux artistes qui vénèrent Tony Bennett? Il se souvient justement d'un de ses spectacles au Carnegie Hall auquel assistaient Joel et sa maman. «J'allais le présenter aux spectateurs quand quelqu'un au balcon m'a crié de chanter une chanson, raconte-t-il. Je lui ai répondu du tac au tac: «Je suis en grande conversation avec Billy Joel, pourquoi m'interrompez-vous?» Le public a pouffé de rire.»

Ce soir, Tony Bennett aura à ses côtés sa fille Antonia, qui chante elle aussi et dont il nous dit le plus grand bien. «C'est formidable que tous mes enfants travaillent avec moi, même s'ils brassent leurs propres affaires, ajoute-t-il. Nous n'avons pas à endurer les grandes compagnies qui veulent toujours nous dire quoi faire. Nous sommes plus libres.»

C'est le même homme qui, pendant le Festival de jazz de 1997, se promenait parmi la foule autour de la Place des Arts, ou peignait un tableau au Jardin botanique, qu'il a ensuite offert au maire de Montréal. «Trois de mes tableaux font partie de la collection permanente du musée Smithsonian, à Washington, dont un portrait de Duke Ellington que j'ai fait pour son 110e anniversaire de naissance, mentionne-t-il. Il est accroché juste en face d'un portrait controversé d'Obama. L'artiste l'a fait à partir d'une photo parue dans le magazine Time et l'agence Associated Press (propriétaire de ladite photo) a voulu le poursuivre. Heureusement, ils lui ont laissé la paix.»

Tony Bennett est un grand fan de Barack Obama. On parle ici d'un chanteur qui, dans les années 60, a marché aux côtés de Martin Luther King, et qui a refusé d'aller chanter en Afrique du Sud à l'époque de l'apartheid. Ce ne sont pas toutes les grandes vedettes américaines, ni tous ses admirateurs, qui partageaient ses opinions politiques.

«Comme l'a dit justement Obama pas plus tard qu'hier, en parlant de l'Iran, quiconque se bat pour la justice est du bon côté, dit Bennett. Il y aura toujours des groupes conservateurs pour me dire que je devrais me mêler de mes affaires, que je connais rien à la politique. Mais je crois en l'humanisme. En tant que pacifiste, je ne peux pas comprendre pourquoi des nations s'entretuent. Un jour, ça va changer, mais quand? Ça personne ne le sait.»

Tony Bennett répète que le Festival de jazz de Montréal est le meilleur au monde, celui où les artistes sont le mieux traités. Il parle de faire une tournée des festivals de jazz européens l'an prochain alors qu'il aura tout près de 84 ans.

«Je me suis inventé un petit jeu, explique-t-il. Je veux prouver que quand on prend soin de soi, avec un peu de chance, on peut s'améliorer en vieillissant. Parce qu'on gagne en sagesse, on simplifie, on laisse tomber ce qui n'est pas important. Plusieurs personnes trouvent que je n'ai jamais aussi bien chanté, et je n'ai jamais obtenu pareille réaction de la part du public. Ça tient sans doute à mon enthousiasme: j'adore divertir les gens et faire en sorte qu'ils se sentent bien.»

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Tony Bennett, salle Wilfrid-Pelletier, ce soir, 19 h 30