À Montréal, le Festival international de jazz n'existait pas alors, le jazz-fusion et autres expressions typiques des années 70 étaient parfois présentées à la Place des Nations. Vint le tour de du vibraphoniste Gary Burton, dont la technique à quatre mailloches épatait mélomanes et musiciens.

Deux guitaristes l'accompagnaient : Mick Goodrick, qui a préféré une vie sédentaire à un régime de tournée, ainsi qu'un jeune homme au début de la vingtaine. Un certain Pat Metheny. Fan de Jim Hall et autres guitaristes reconnus dans le jazz moderne, le sideman jouait sa semi-acoustique dans les règles de l'art. La section rythmique était formée du batteur Bob Moses et du bassiste Steve Swallow. Ce dernier se démarquait déjà pour le son qu'il avait mis au point : texture singulière à cause de l'utilisation d'un pic de feutre, sens mélodique hors du commun pour un bassiste électrique.

Vendredi soir à la salle Wilfrid-Pelletier, Metheny, Swallow et Burton reprenaient du service, sans Goodrick et Moses, mais plutôt avec le batteur Antonio Sanchez. « J'avais recruté Steve dans les années 60, Pat a joint le groupe dans les années 70, puis... Antonio Sanchez est né ! », a rappelé le vibraphoniste au public, visiblement amusé par sa présentation.

Membre du Pat Metheny Group, Sanchez est un batteur radicalement différent de Bob Moses. Plus dynamique, moins impressionniste, moins fort avec les balais, moins subtil dans les jeux de cymbales. De toute évidence, plus virtuose. Beaucoup plus proche d'un Vinnie Colaiuta que d'un Brian Blade, mettons. Or, dans le contexte d'un ensemble assez calme, il sait faire preuve d'adaptabilité, sans pour autant mettre en veilleuse ses capacités techniques phénoménales.

Sauf cette différence, au fait, ce qu'on a entendu sur scène aurait-il pu être joué il y a trois décennies, genre au tout premier FIJM auquel avait participé Gary Burton ? Souvent, oui. Vous fermez les yeux à l'écoute de Sea Journey (Chick Corea) ou de Falling Grace (Swallow), vous êtes plongés illico dans les années 70.

Toutefois, il peut vous arriver de ressentir que cet ensemble a mis le cap vers 2009. Accru par la rythmique, le dynamisme des musiciens confère plus de virilité à la facture. Certaines pièces comme Missouri Uncompromised (de Metheny) sont l'occasion d'emprunter des avenues moins lisses que celles auxquels Burton nous a habitués. Fort heureusement d'ailleurs.

Pour le plaisir des uns et l'ennui des autres, le fameux vibraphoniste a toujours préféré recouvrir d'une apparente linéarité la complexité des compositions à son programme. On a beau se méfier des eaux calmes, mais... rigueur peut parfois rimer avec tiédeur. Au pire, avec fadeur.

Cela étant, les performances individuelles et ce plaisir évident de se retrouver sur scène avec toute cette expérience acquise ont tout de même conduit Gary Burton et ses éminents collègues à un concert généreux (près de deux heures), pour le moins enthousiaste. De très beaux solos nous ont été réservés par des musiciens heureux de dresser la table au 30e Festival international de jazz de Montréal.