«Black or White»: Michael Jackson entretenait une relation complexe avec sa couleur de peau, perceptible dans l'évolution de sa musique comme de son apparence. Ceux qui le connaissaient bien assurent qu'il a toujours préservé son identité noire, tout en transcendant les questions raciales.

Avec le temps, sa peau s'est éclaircie, sa coiffure afro a laissé place à une permanente ondulée et la chirurgie esthétique a raboté son nez épaté. Partie du R&B et du funk, sa musique a glissé vers la pop et la variété. Parmi ses meilleurs amis figuraient Elizabeth Taylor et Nancy Reagan... A l'évidence, le «roi de la pop» brouillait les pistes.«J'ai le sentiment qu'au cours de sa carrière, Michael Jackson a simplement transcendé le problème de la race. Il n'en est question ni dans son travail ni dans sa vie», analyse Bill Bottrell, qui avait coproduit la chanson «Black or White» et collaboré avec l'artiste entre 1986 et le début des années 90.

«Je l'ai observé avec ses amis. Ils venaient de toutes les allées de la vie. Il s'était entouré de beaucoup d'Afro-Américains, mais aussi de Blancs, comme moi», poursuit le producteur.

Sur la pochette de l'album «Off The Wall», qui propulse sa carrière solo vers les sommets en 1979, dix ans après la sortie du premier disque des Jackson 5, Michael Jackson a encore les cheveux crépus et sa peau est sensiblement plus sombre que le mur de briques derrière lui.

«Il y a vraiment eu deux phases dans sa carrière», relève le commentateur Earl Ofari Hutchinson, figure de la communauté noire américaine. «Il y a d'abord eu un lien et une identification avec les Africains-Américains, que ce soit dans la musique, la danse, le style de vie et les prestations», note-t-il. «Il s'agissait essentiellement de musique noire. C'était le 'Michael Jackson noir'.»

Avec «Thriller», l'album aux plus fortes ventes de l'histoire, en 1982, il devient le premier artiste noir à avoir un clip vidéo diffusé en boucle sur la chaîne musicale MTV. Il fait dès lors partie des personnes les plus célèbres au monde, quelle que soit leur race.

«Il se situait au-delà de la couleur de peau. C'était du reste le message de sa musique et les gens l'aimaient pour cela», constate DJ Spinna, producteur d'événements musicaux à base de tubes de Michael Jackson.

Reste qu'à mesure que grandissait sa gloire, la star apparaissait de plus en plus blanche. Il se disait atteint de vitiligo, maladie provoquant une dépigmentation, mais accentuait sa blancheur avec force traitements et maquillage. Au point de devenir la plus blanche des célébrités noires.

De Sammy Davis Jr à Oprah Winfrey en passant par Barack Obama, les Noirs célèbres ont souvent été accusés de perdre contact avec leurs racines. Michael Jackson s'est lui retrouvé emporté par le courant d'une industrie musicale à dominante blanche commercialisant enfin des artistes de couleur. Au même moment et aux antipodes de sa production, apparaissait le rap, genre musical offrant une nouvelle définition au fait d'être noir.

«Dans la deuxième phase de sa carrière, il est devenu de plus en plus ambivalent pour les Afro-Américains. Sa musique, son apparence et ses fans sont devenus de plus en plus éclectiques. Les Afro-Américains ne s'identifiaient plus à lui», souligne Earl Ofari Hutchinson.

«Il tirait son inspiration de personnes de toutes races, de personnalités qu'il admirait et de ses amis», relativise Bottrell, qui avait travaillé en studio avec Michael Jackson sur les albums «Bad» en 1987 et «Dangerous» en 1991.

Quand le chanteur se retrouva accusé de comportement pédophile en 1993 puis en 2000, ses proches firent bloc. «Au nom de Jackson, ils disaient: «Ne croyez pas ce que vous entendez, je m'identifie toujours à la communauté noire. Je suis noir, cela n'a pas changé, et j'ai besoin de votre soutien'», se souvient Hutchinson. Toutefois, dit-il, «beaucoup le considéraient désormais comme une création du monde blanc».

Toutes ces contradictions semblent réunies dans le titre «Black or White», l'un des hits de l'album «Dangerous», et dans son refrain explicite: «tant que tu seras ma chérie, peut importe que tu sois blanche ou noire».

Contrairement à son habitude, Michael Jackson n'avait pas écrit la chanson à son arrivée au studio, rappelle Bottrell. Il avait improvisé et l'enregistrement s'était fait en une prise. «Elle est en quelque sorte sortie de lui», résume le producteur. «Il avait clairement the thème en tête quand il a commencé à chanter.»