La mort de Michaël Jackson a causé une véritable onde de choc au sein du milieu artistique québécois jeudi soir. Artistes, producteurs et chroniqueurs s'entendent, le legs musical du chanteur sera plus grand que le personnage controversé.

Mario Lefevre a rencontré Michael Jackson plusieurs fois dans les années 1980 alors qu'il était à la tête de la compagnie de disques CBS à Montréal. Il en garde le souvenir d'un jeune homme timide, mais au sommet de son art.

«Il n'avait aucune autre motivation que de faire la meilleure musique possible», se souvient l'homme responsable de la promotion de l'artiste au Canada. «Déjà à cette époque, l'engouement des Québécois à son égard était absolu. Je n'avais jamais vu une telle frénésie auparavant.»

À son avis, les habitants de la Belle province sont particulièrement fervents de la musique pop de la star américaine.

«Vous savez, Montréal est l'un des plus gros marchés d'acheteurs de disques de Michael Jackson par capita. Je me souviens qu'au lendemain de la diffusion de la fameuse émission Motown Special (diffusée sur la chaîne NBC en 1983) nous avons reçu 60 000 nouvelles commandes pour le disque Thriller

De Justin Timberlake à Usher en passant par Chris Brown, Michael Jackson a eu des influences sur plusieurs de ses contemporains. Au Québec, le personnage a même influencé l'humoriste Rachid Badouri, fan du chanteur depuis l'âge de 5 ans.

«La journée où je me suis dit que j'allais être un entertainer, c'est lorsque j'ai vu Michael Jackson au Stade olympique en 1983. C'est aussi grâce à mon numéro inspiré du personnage que je me suis fait connaître. J'ai donc eu un grand choc en apprenant sa mort. J'ai dû m'arrêter quelques minutes.»

Interviewée jeudi soir à la célèbre émission américaine Larry King Live, Céline Dion n'a pas hésité à qualifier l'artiste de «génie» et de le comparer à un monument comme Elvis Presley.

«Il est venu voir mon spectacle à Las Vegas et lorsque je l'ai présenté, le public est devenu fou. J'avais l'impression que les spectateurs allaient se jeter en bas du balcon!», a-t-elle lancé.

«Le drame, c'est qu'il a vécu sa vie sous pression. Durant toute sa vie, il a voulu satisfaire sa famille et ses fans. Il manquait d'équilibre.»

«Un grand vide»

L'ampleur du battage médiatique entourant la mort de Michael Jackson a déjà été comparée à celle suivant la mort d'Elvis Presley ou de John Lennon. Selon les spécialistes de la musique sondés par La Presse, Michael Jackson a apporté une contribution à la musique contemporaine comparable à celle de ces deux géants.

«C'était le premier noir américain à aller au-delà de l'exotisme soul afro-américain et des rythmes urban comme le R n'B ou le blues pour y intégrer des éléments de musique blanche comme le rock et la pop», a expliqué Alain Brunet, chroniqueur musical à La Presse. «Mais je pense que l'on retiendra surtout ses grands talents de danseur et de showman.»

«Il laisse un grand vide», a ajouté le journaliste de Musique Plus et de Musimax, Mike Gauthier.

«Avec des artistes comme Justin Timberlake et Chris Brown, on voit encore son influence, on l'entend. Je dirais même que son héritage musical est plus présent aujourd'hui que dans les années 90. Michael Jackson a fait beaucoup pour la culture pop, et sans faire exprès, pour la cause des noirs. Rappelons que c'est le premier noir à avoir eu des clips qui passent à MTV.»

Selon Jeff Chang, auteur de A History of the Hip-Hop Generation, les frasques médiatiques et judiciaires de Michael Jackson ainsi que son caractère excentrique n'ont pas nécessairement minés l'admiration du public.

«Il y avait différents Michael Jackson qui existaient dans la conscience populaire. L'immense artiste, un des plus échantillonnés et des plus influents de la pop. Et aussi l'homme troublé qu'on voyait en cour. Bizarrement, les gens semblaient réussir à dissocier les deux. On pouvait vénérer le premier et détester le deuxième.»

-Avec la collaboration de Paul Journet