Abnormally Attracted To Sin est le dixième album de Tori Amos, déjà. Interviewer la chanteuse et pianiste est une expérience en soi. L'intensité est toujours au rendez-vous.

À 45 ans, Tori Amos est de retour avec un autre album presque double de 73 minutes, mais pas de grand concept. «Il y a plusieurs styles de musique sur l'album, et beaucoup d'énergie dans les arrangements. Il y a aussi un DVD avec 16 courts métrages. Je crois que tout ça est suffisant pour retenir l'attention des gens», dit-elle, un brin ironique.  

Un collègue a déjà dit de la chanteuse et pianiste que son imaginaire était «impénétrable». Nous n'irons pas jusque-là, mais Tori Amos est sans contredit intense et très profonde dans ses propos féministes.

 

Même si l'album Abnormally Attracted to Sin n'est pas aussi conceptuel que ceux qui l'ont précédé, Amos aborde les thèmes du péché, du sexe, de la religion et du pouvoir des femmes. Un album qui parle «de spiritualité érotique , dit-elle.

 

«Il faut redéfinir ce qu'est le péché pour soi. Aucune femme sur la planète peut laisser un homme définir ce qui est honteux pour son corps», plaide Tori Amos.

 

Pour la chanteuse, les femmes doivent écouter leurs désirs les plus profonds. Selon elle, des femmes font l'erreur d'associer sexualité et péché. «Elles veulent vivre une sexualité passionnée, mais pour elles, c'est associé à des magazines pornos et des comportements dégradants... Ces femmes se trompent et manquent quelque chose.»

 

Tori Amos, dont la fillette a 8 ans, dit aux mères de partout dans le monde de ne pas oublier leur féminité. «Je pense que les frontières ne séparent pas ce que la plupart des femmes vivent intérieurement. Quand elles deviennent mères, elles ont de la difficulté à intégrer l'érotisme. Dans le mot mère («mother»), il y a le mot autre («other»). Mais il ne faut pas seulement servir les autres. Il faut aussi servir celle qui est devenue mère.»

 

Dans sa nouvelles chanson Ophelia, Tori Amos met en garde les femmes des plus jeunes générations. «Parfois, il faut briser la chaîne de celui vers qui on est attiré. Il ne faut pas être dépendante de la perception de l'autre personne.»

 

En d'autres mots, il ne faut pas chercher à plaire à l'être aimé, mais plutôt être en situation de pouvoir et se sentir comblée avec lui.

 

Musicalement parlant

 

Le piano est bien présent sur Abnormally Attracted to Sin, mais il y a des arrangements parfois rock, parfois électroniques. Les fans de la chanteuse seront en terrain connu.

Le dixième album de Tori Amos sort chez Universal, dont Doug Morris est le président. Au début des années 1990, c'est lui qui a sorti ses premiers albums, Little Earthquakes et Under the pink, chez Atlantic Records. «C'est mon mentor», dit Tori Amos.

 

L'artiste américaine n'aimerait pas faire ses débuts aujourd'hui. «L'industrie, le public et les médias n'ont plus le désir de grandir avec un jeune artiste. On aime LE prochain nouvel artiste, explique-t-elle. Les artistes n'ont pas toujours la possibilité de faire leurs quatrième et cinquième albums. Moi, par exemple, j'ai grandi avec les disques de Joni Mitchell.»

 

Quant à Tori Amos, elle n'a pas l'intention d'arrêter de faire des opus généreux. «Depuis plusieurs années, la forme que je préconise est un album double. Je fais des cathédrales et pas des petits chalets. C'est ce que je fais. De grandes structures... Yellow Brick Road, Abbey Road, The White album, ce sont des disques qui fonctionnent par unité.»

 

«C'est un concept qui meurt car les gens veulent UNE chanson, déplore-t-elle. Les journalistes se plaignent car ils sont trop paresseux. Je comprends car ils ont beaucoup de choses à écouter. Mais s'ils écoutaient toujours des albums doubles, ils n'auraient pas autant de temps pour aller boire un verre», blague-t-elle.

 

On aime ou on n'aime pas Tori Amos. Mais s'il y a deux choses qu'on ne peut lui reprocher, c'est son intensité et son intégrité.