Après presque 10 ans d'absence au Québec, le chantre sénégalais Ismaël Lô fait l'aller-retour Montréal-Dakar à l'invitation du Festival des rythmes d'Afrique et des Antilles de Montréal (FestiRAAM), dont il est le porte-parole de la deuxième présentation.

«Incha Allah! C'est un grand plaisir pour moi de revenir à Montréal. C'est vrai que ça fait longtemps. Il y a des fois où la carrière nous amène partout dans le monde, en Europe beaucoup, il me faut aussi revenir chez moi à Dakar, mais j'ai hâte de retourner vous voir, je me sens bien, chez vous. Tu vois, je suis québécois, mais seulement en été», dit-il en ricanant.

C'est drôle comme les artistes peuvent projeter une image, et paraître son contraire lorsqu'on a la chance de s'en approcher un peu.

Prenez Ismaël Lô, attrapé au téléphone en fin de journée chez lui, à Dakar. Sur ses disques, en solo, le chanteur et harmoniciste (et artiste peintre, une discipline qu'il a étudiée et qui lui a permis, bien modestement, d'illustrer la pochette de son dernier album, Sénégal) donne l'impression d'un être spirituel. Ce qu'il est sûrement, l'artiste s'identifiant d'ailleurs au soufisme et chantant le titre Incha Allah sur son plus récent album.

Or, au téléphone, c'est une bombe. Un véritable verbomoteur, passionné et enflammé. Pas moyen de placer un mot: une seule question le fait débouler dans de longues réponses, un flot de réponses qui part dans toutes les directions, tous les sujets.

Drôle de contraste. C'est à cause de sa voix, se dit-on. Une voix doucement éraillée, pleine de compassion, un timbre réconfortant, souvent un peu triste aussi, ça fait son charme. Des textes qui, de toute sa carrière, ont toujours voulu avoir un sens, dire les choses, dénoncer, encourager, ne jamais chanter pour ne rien dire - c'est pour ça qu'on ose le surnommer le «Bob Dylan d'Afrique». Si si.

Un homme posé et calme, donc, un authentique chanteur soul qui, plutôt que d'avoir vu le jour à Detroit ou à Memphis dans les années 70, a érigé sa carrière dans les circuits sénégalais avec le fameux orchestre Super Diamono d'Omar Pene avant d'entamer sa carrière en Europe, au début des années 90, et contribuer à faire connaître le mbalax, un style pourtant très rythmé et fixé sur les planchers de danse.

«Quand j'étais môme, mes grands-parents avaient une radio, un tourne-disques, j'ai écouté beaucoup de styles de musique - surtout du rhythm&blues, Otis Redding, surtout. Ma culture musicale est aussi fondée sur la musique traditionnelle de chez nous que sur la musique soul américaine.»

Mais voilà Ismaël Lô qui repart sans filet: «Sauf que, tu vois, il faut regarder les origines. Le soul, le rhythm&blues, ses origines, c'est la musique africaine! Moi, j'ai développé un style de musique qui m'est propre, un mélange de soul et de rythmes mbalax. Une musique moderne - et quelque part, les gens qui l'écoutent s'y retrouvent. C'est naturel, inné chez moi, ce mélange des genres», qui l'amènera même à flirter avec les rythmes latins - «comme pour l'Orchestra Baobab!» note-t-il, la pop occidentale et le reggae.

Manquerait plus qu'un peu de rigodon bien de chez nous, tiens. «Mais tu sais, sur mon avant-dernier album, Dabah (2001), il y a un peu de ton pays! La chanson Ma dame, elle a été composée à Québec alors que j'étais membre du jury du Festival d'été de Québec...».

L'intarissable et touchant Ismaël Lô est en concert ce soir au Métropolis; en première partie, les Frères Diouf, Fatou Guewel (la chanteuse sénégalaise populaire de l'heure) et Zal Idrissa Sissokho, jamais sans sa kora.