Pour commémorer son 10e anniversaire, le Festival du monde arabe de Montréal présente une programmation hors saison qui s'amorce ce soir à la Cinquième salle de la Place des Arts.

Le jazzman François Bourassa et son excellent quartette y plongent dans une aventure qui les mènera ailleurs. Vraiment. L'Irakien Mohammad Gomar, compositeur, chef d'orchestre et virtuose du jozza, débarque de ses Pays-Bas d'adoption pour y remplir une mission confiée par le FMA: opérer une hybridation éclair de son patrimoine et de sa musique originale avec l'ensemble du pianiste montréalais.

Établi aux Pays-Bas pour des raisons que l'on imagine, Mohammad Gomar bosse régulièrement avec des musiciens de jazz néerlandais, en plus d'assurer la direction musicale de la formation de sa femme, Farida, grande chanteuse du maqâm irakien.

«J'aime le mélange entre le jazz et la musique orientale, insiste le musicien irakien. C'est d'ailleurs un grand honneur pour moi que de jouer avec l'ensemble de François Bourassa. Les jazzmen pourront se familiariser avec les intervalles propres aux maqâms et à ma musique, car tout y est propice à l'improvisation. La musique, vous savez, est le seul vrai langage mondial. Elle permet les plus beaux dialogues entre les cultures. Ainsi, nous interpréterons ensemble des maqâms traditionnels et quelques-unes de mes compositions originales.»

Rappelons que les maqâms sont des motifs traditionnels propres aux cultures orientales - arabes, perses, turques. Chaque maqâm comporte ses propres intervalles et prévoit des trajectoires mélodiques spécifiques.

Au centre de ce projet de métissage, on met en relief le jozza, dont Mohammad Gomar perpétue la tradition: «Cet instrument a été créé 2300 ans avant Jésus-Christ. La boîte de résonance est construite avec une calebasse, le jozza a quatre cordes que l'on frotte à l'archet comme on le fait avec le violon», explique son interprète.

«C'est la première fois que je vois un jozza», confie candidement François Bourassa avant d'amorcer une répétition dont il ne connaît visiblement pas l'issue.

«On m'a contacté pour interpréter la musique de Mohammad avec mon quartette - André Leroux, saxophones, Adrian Vedady, contrebasse, Philippe Melançon, batterie. Trois musiciens arabes se joignent à nous: claviers, percussions et jozza. Mohammad m'a fourni ses partitions, il me chante les thèmes pour me faciliter la tâche. S'il y a un argument jazz dans tout ça? Ben... je l'espère!» lance-t-il en riant, conscient du caractère improvisé de l'entreprise.

Voilà donc la première d'une série de 15 productions présentées hors saison par le FMA, dont le «vrai» festival se tiendra du 30 octobre au 14 novembre prochains. Avant quoi ces productions spéciales s'étaleront jusqu'au 21 août.

Demain à la Cinquième salle, on présentera Ailleurs hier, spectacle qui met en lumière les musiques et les chants des grands de la mémoire arabe contemporaine - Oum Kalsoum, Feirouz, Wadih el Safi, etc.

Samedi au même lieu, le FMA produit Pas perdus, un spectacle de danse de la troupe ontarienne Al-Arz, dont l'objet est de dépeindre des fresques populaires issues de diverses traditions du Moyen-Orient.

«Nous avons choisi de fêter nos 10 ans de passion, d'audace et de créativité en nous projetant dans les mémoires, et plus particulièrement dans celle du FMA. Les mémoires naissantes, fraîches et atypiques, celles des exilés, des immigrants ou des nomades ont ceci de particulier qu'elles ne sont pas soumises à l'éternel devoir de mémoire. Elles se prêtent à des dynamiques variées et constituent des lieux privilégiés de la mise en commun des richesses. De leur nature mutante, faite de couches multiples, croisées, peut émerger une identité assurée et généreuse», souligne Joseph Nakhlé, fondateur et directeur artistique du FMA.