En somali, K'naan veut dire voyageur. Grâce sa musique, le rappeur torontois né à Mogadiscio fait maintenant le tour du globe pour présenter son nouvel album, Troubadour. Tel un poète moderne, il raconte l'un des endroits les plus dangereux de la planète dans la langue de Tupac.

En 1991, K'naan Warsame fuit la Somalie avec sa mère et son frère. Âgé de 12 ans, il arrive à New York, pour ensuite élire domicile dans le quartier Dixon de Toronto, aussi appelé Little Mogadishu.

Aussitôt l'anglais maîtrisé, il se met à rapper. Mais le hip-hop l'habitait depuis sa tendre enfance. «Avant mon arrivée en Amérique, mon père, qui habitait à New York, m'envoyait des cassettes par la poste, dit-il. Ce style musical n'existait pas en Afrique de l'Est. C'est devenu pour moi une nouvelle façon d'interpréter la poésie traditionnelle somalienne, mais dans une forme plus jeune et énergique.»

Troubadour contient des influences aussi diverses que le hip-hop, la pop, le rock et l'afro beat. Des artistes comme Kirk Hammet, guitariste de Metallica, Adam Levine, chanteur de Maroon 5, Mos Def et Damian Marley ont participé à l'enregistrement.

K'naan a d'ailleurs enregistré l'album en Jamaïque, au studio Tuff Gong, ancien repaire de Bob Marley. En toute humilité, le rappeur de Mogadiscio croit avoir beaucoup en commun avec la légende du reggae. «Bob Marley a présenté son pays au monde entier grâce à sa musique. Il a permis à tous de comprendre sa réalité et le combat de son peuple. C'est ce que je tente de faire.»

Sur Troubadour, son deuxième disque, K'naan peint la violence des rues de Mogadiscio sur une toile festive. Même s'il dénonce les injustices de la guerre, il refuse d'étiqueter sa musique comme politique. «Ce sont des thèmes très personnels qui m'affectent quotidiennement, affirme-t-il d'un ton posé. Ce qui m'importe, c'est de transmettre ces émotions le plus honnêtement possible.»

K'naan n'a pas la prétention de vouloir aider les Somaliens avec sa musique. «D'où je viens, je suis la seule personne qui fait de la musique en anglais. Il arrive que des compatriotes m'accostent pour me dire que je travaille pour mon pays. Mais, pour être honnête, je le fais pour me sentir mieux.»

Un Somalien à Toronto

La poésie fait partie du bagage génétique de K'naan. Son grand-père, Haji Mohammed, est l'un des poètes les plus célèbres de Somalie. «Si j'avais à définir mon travail, je me qualifierais comme mon grand-père. Mais la poésie fait partie de la vie et de la tradition de tous les Somaliens.»

À cheval entre l'Occident et l'Orient, la vie de K'naan est truffée de contradictions. Selon lui, les contrastes définissent sa musique et ses textes. «J'écris toujours sur la fine ligne qui sépare les deux mondes auxquels j'appartiens. Je suis en mesure de prendre la parole en tant que Somalien, mais je peux aussi créer en tant que personne qui vit en Amérique du Nord, avec tout le confort dont je jouis.»

S'il a choisi le Canada, le coeur de l'artiste de 30 ans est toujours en Somalie. «J'ai quitté mon pays abruptement, se rappelle-t-il. J'aurai toujours l'impression d'avoir laissé une partie de moi là-bas.»

Il estime que sa musique lui permet d'aller de l'avant et de transformer son passé en mélodie. «Un jour, il y aura peut-être assez d'espace dans mon esprit et mon coeur pour cesser de parler de mes mauvaises expériences en Somalie, philosophe le rappeur. Pour l'instant, plusieurs membres de ma famille vivent encore là-bas. Je vis dans ma mémoire.»