La sélection internationale du neuvième festival Jazz en rafale s'annonce relevée, vu les moyens modestes de l'événement: le pianiste cubain Omar Sosa vient y présenter en quartette Afreecanos, les musiciens français Émile Parisien (saxophone) et Anne Paceo (batterie) y feront découvrir leurs ensembles, alors que le saxophoniste new-yorkais Ted Nash proposera un concept jazzistique ouvert sur les musiques du monde, en impliquant la violoniste québécoise Nathalie Bonin.

Ted Nash a grandi à Los Angeles, issu d'une famille de musiciens. Tromboniste, son père Dick a mené une longue carrière, surtout en tant que musicien de studio. Son oncle, aussi nommé Ted Nash, a dirigé un big band. Tombé dedans... Débarqué à New York alors qu'il n'avait que 18 ans, le saxophoniste a gravi les échelons du jazz, pour ainsi devenir membre régulier des ensembles dirigés par le fameux trompettiste Wynton Marsalis - dans le cadre du programme Jazz at the Lincoln Center.

 

«C'est mon occupation principale, cela représente six ou sept mois par an, ce qui me laisse assez de temps pour développer mes propres projets. Ces deux vies professionnelles se complètent très bien, remarquez. Il faut dire que Wynton aime les contributions originales, les miennes n'y font pas exception. Contrairement à ce que plusieurs affirment, la direction artistique de Wynton ne se limite pas au répertoire. Ses choix sont beaucoup moins conservateurs qu'on ne le croit.»

Odeon, présenté pour la première fois à Montréal, est-il le plus important des groupes sous la gouverne de Ted Nash?

«Difficile à dire, mais Odeon figure certainement parmi mes projets les plus intéressants. Parce que cette formation combine différents instruments et genres musicaux avec lesquels je n'étais pas à l'aise. De l'adolescence au début de la vingtaine, en fait, je ne jouais que du bebop et des standards. Cela me satisfaisait pleinement. Je n'explorais pas vraiment ailleurs, je portais des oeillères. Le klezmer, les musiques d'Europe de l'Est, la musique espagnole, le tango moderne ou plusieurs autres courants venus d'ailleurs, cela restait pour moi étranger.»

Odeon, rappelle l'interviewé, est né d'un projet du Jazz Composers Collective dont il est l'un des fondateurs. «Dans un contexte jazz, il s'agissait d'inclure ces instruments avec lesquels je n'avais pas travaillé: accordéon, violon, tuba, clarinette - qui fut mon premier instrument. Je réalise maintenant à quel point je m'étais coupé de ces univers musicaux. Je dirais même m'être isolé de ces autres parties de moi-même; d'une certaine manière, nous sommes tous connectés à cet imaginaire mondial.»

Lancé en 2005, le premier album d'Odeon, La Espada de la noche (étiquette Palmetto), impliquait déjà l'excellente violoniste Nathalie Bonin.

«Elle avait remplacé la violoniste Miri Ben-Ari, qui a aussi joué dans mon double quartette. Le batteur Matt Wilson, qui appréciait le travail de Nathalie et qui faisait aussi partie d'Odeon (à Montréal, ce sera Tim Horner, qui fait aussi partie de mon double quartette), m'avait suggéré sa candidature. Nathalie s'était alors préparée à jouer avec nous pour un engagement au Village Vanguard. Elle avait très bien fait son travail!»

L'accordéoniste Bill Schimmel, lui, fait partie de l'alignement depuis les débuts d'Odeon. «Je l'avais découvert à l'occasion d'un musical présenté à Broadway à la fin des années 80, c'était une version de l'Opéra de Quat'sous et Sting en était le chanteur principal. J'avais été impressionné par la beauté de l'accordéoniste qui interprétait Kurt Weill. J'avais assisté à sa séance d'échauffement, il pouvait alors jouer n'importe quoi! Il est aussi reconnu comme l'un des meilleurs professeurs de l'instrument.»

Un tubiste et tromboniste fait aussi partie de l'ensemble: «À l'origine, c'était Wyclef Gordon au tuba, ses nombreux engagements ont fait en sorte que j'ai dû le remplacer par Clark Gayton, que je considère aussi formidable.»

Dans la Grèce antique, l'odéon était l'amphithéâtre consacré à la musique. En s'ouvrant ainsi à de grandes musiques du monde sans en négliger l'éclairage jazzistique, Ted Nash ajoute sa pierre à l'édifice.

Ted Nash et le groupe Odeon, le 27 mars, 20h, à l'Espace Dell'Arte, dans le cadre du festival Jazz en rafale, qui se déroule du 26 mars au 4 avril.

 

AUTRES SUGGESTIONS

1. Omar Sosa présente Afreecanos, le jeudi 26 mars, 20h.

Avec l'ambitieux projet Afreecanos, le pianiste et compositeur cubain Omar Sosa est retourné à ses origines africaines. On ne sait pas ce qu'en sera le résumé en quartette, l'iconoclaste se produira aux côtés de John Santos, percussions, Childo Thomas, basse, Peter Apfelbaum, saxos et flûtes.

2. French Connexion: ensembles d'Anne Paceo et d'Émile Parisien, le samedi 28 mars, 20h.

La batteuse Anne Paceo compte parmi les espoirs de la relève jazzistique parisienne. Elle se produira avec le contrebassiste Joan Eche-Puig, le pianiste Leonardo Montana. Suivra le quartette du saxophoniste Émile Parisien... originaire de Marciac, là même où se tient le plus important festival de jazz en France. À ses côtés, le pianiste Julien Tourey, le contrebassiste Ivan Gélugne, le batteur Sylvain Darrifourcq.

3. Dix musiciens pour dix ans d'Effendi, le jeudi 2 avril, 20h.

Pour commémorer les dix ans du label Effendi, dix musiciens importants de la scène montréalaise se produiront ensemble dans le cadre d'une soirée ouverte sur l'improvisation: les saxophonistes Alexandre Côté, Joel Miller, Jean-Pierre Zanella, le trompettiste Joe Sullivan, le pianiste John Roney, les contrebassistes Michel Donato et Sage Reynolds, les batteurs Michel Lambert et Stef Schneider.

Pour infos: www.jazzenrafale.com