Le magazine Kerrang!, bible du rock dur, a dit du deuxième album de The Gaslight Anthem que c'était le Born to Run du punk-rock. Pourtant, malgré des affinités certaines, The Gaslight Anthem, qui jouera à La Tulipe mercredi, n'est pas un clone du Boss comme tant d'autres groupes dont la réputation n'a jamais dépassé les frontières du New Jersey.

Dans une interview qu'il avait accordée à Bob Costas en prévision du Super Bowl, Bruce Springsteen a mentionné The Gaslight Anthem parmi les groupes actuels qui l'intéressent. Ce n'était pas pour paraître branché: The Gaslight Anthem jouera avec le Boss et le Dave Matthews Band au concert Hard-Rock Calling, au Hyde Park de Londres, le 28 juin prochain.

 

«C'est Bruce lui-même qui nous a invités, raconte Brian Fallon, chanteur et guitariste du Gaslight Anthem. Je l'ai déjà rencontré brièvement. C'est vraiment un bon gars.»

Fallon a «fait la connaissance» de Springsteen quand, enfant, il a écouté la cassette de Born To Run de sa mère. Ce jour-là, il a trouvé ce qu'il lui fallait pour fuir la petite vie plate des prolétaires du New Jersey. Voilà qui ressemble beaucoup au romantisme exacerbé du jeune Springsteen. Fallon a même repris Backstreets du même Springsteen dans le cadre d'une série de clips pour le web (Hangin' Out on E Street, sur Pitchfork) où de jeunes artistes rendent hommage au Boss. Une version à la guitare acoustique, plus dépouillée encore que ne l'aurait faite Springsteen, même à l'époque de Nebraska.

À l'écoute de The 59' Sound, le deuxième album de The Gaslight Anthem qui a valu au groupe des papiers dithyrambiques dans la presse rock internationale et un passeport pour l'Europe et l'Australie, on constate que Brian Fallon est obsédé par la mythologie du rock ouvrier américain, avec une fixation particulière sur les années 50 et 60, la route et les voitures classiques. Quand il ne cite pas Springsteen dans le texte - coup de chapeau à I'm on Fire dans High Lonesome, citations de Bobby Jean et No Surrender dans Meet Me at the River's Edge - Fallon multiplie les références à d'autres icônes de la culture populaire, d'Elvis à Tom Petty en passant par Miles Davis et Humphrey Bogart. Et oui, l'expression «Ole '55» dans la chanson Old White Lincoln est un clin d'oeil à Tom Waits: «J'adore Tom Waits, c'est lui qui m'a le plus influencé dans l'écriture des textes de nos chansons.»

Fallon se définit d'abord comme un conteur d'histoires. «Au départ, j'essaie de parler de choses que je connais en espérant que la personne qui va entendre ma chanson pourra mieux s'y identifier et la comprendre, explique-t-il. Quand j'emprunte aux chansons des autres, c'est comme si j'étais en voiture avec vous et que je vous racontais une histoire. On jase de Springsteen, on jase de Tom Petty et ça touche les gens. Je leur dis: «Voyez, c'est là que j'ai grandi, c'est là que vous avez grandi vous aussi, cette chanson est pas mal, non? Peut-être que vous connaissez la suite, bien sûr que oui, c'est du Bruce Springsteen!» Pour moi, c'est comme une poignée de main en chanson.»

 

Y aurait-il quelque chose dans l'eau potable du New Jersey qui pousse ses auteurs à se réclamer de la même mythologie un peu rétro? «Quand tu grandis au New Jersey, tu rêves beaucoup parce qu'il n'y a pas grand-chose à voir tout autour, répond Fallon. Pendant qu'on se parle, je regarde par la fenêtre et je ne vois qu'un drôle de bâtiment en briques et des arbres morts. Forcément, ton imagination est la clé qui va te permettre d'en sortir. Et je suppose que les jeunes de la classe ouvrière font des rêves de classe ouvrière.»

The Gaslight Anthem existe depuis environ trois ans, mais ses quatre membres ont fait leurs classes pendant des années en écumant les bars du New Jersey avec d'autres groupes. Le batteur Benny Horowitz a déjà dit que The Gaslight Anthem était la rencontre d'un groupe hardcore et d'un auteur-compositeur-interprète traditionnel.

C'est vrai, sa musique ne ressemble pas vraiment à celle du Boss ou de Jon Bon Jovi, autre icône du rock ouvrier du New Jersey. Ce rock de guitare énergique renvoie plutôt aux Replacements, à The Clash et même parfois au U2 des premiers albums. Il y a dans cette musique une urgence qui illustre éloquemment ce que disait aussi Horowitz à Ronen Kaufman (issueoriented.com): The Gaslight Anthem est un peu comme un band grunge venu brasser la cabane parce qu'il est écoeuré de la musique plate qui pollue les ondes, un groupe qui veut ramener un peu de réel dans la musique actuelle.

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THE GASLIGHT ANTHEM

AVEC DIRTY TRICKS ET SAINT ALVIA, À LA TULIPE, LE 18 MARS, 20H.