L'album Smile, qui a fait d'Ima une vedette de la chanson québécoise, est un disque qu'on peut faire jouer pendant le souper, tandis que A la vida!, son tout nouvel album de reprises à saveur latine, est fait pour «continuer la veillée», dit la chanteuse et comédienne. Rencontre avec une boule d'émotion à qui la vie sourit.

Ima a déjà raconté dans le détail le virage qui a fait d'une chanteuse en mal d'identité propre un success-story sur la scène musicale québécoise. Après deux albums quasi confidentiels, elle a décroché le rôle providentiel d'une chanteuse de cocktail lounge dans Casino; par la suite, elle s'est retrouvée en Italie pour se «ressourcer» et c'est là, en chantant des vieilles chansons de Brel et Piaf pour des amis qui ne comprenaient rien au français, qu'elle a trouvé sa voie; plus tard, une conversation avec le dieu Bono, dans une soirée chez Guy Laliberté, l'a convaincue une fois pour toutes qu'il lui fallait puiser dans son «essence» pour mener une carrière qui ne soit pas éphémère.

 

On connaît la suite. Ima a rencontré son âme soeur musicale en Guy St-Onge et son troisième album, Smile, un recueil de reprises apprêtées à la saveur latine, a trouvé preneur chez plus de 100 000 nouveaux convertis. Tant et si bien qu'au moment de lancer son nouvel album A! la vida, la chanteuse n'a pas encore bouclé sa tournée de spectacles Smile, tellement on la réclame. Elle en a comme ça jusqu'en avril, malgré l'absence de St-Onge dont les services sont présentement requis par Sherazade.

A la vida!, précise Ima, est «plus rythmé, plus voyages, plus musiques du monde» que Smile même s'il est dans la continuité du disque précédent: «L'instrumentation est différente, il y a beaucoup de cuivres, du vibraphone, du marimba, des steel drums, la recherche musicale est plus avancée, je trouve.»

Mais la formule de base reste la même: dénicher dans le vaste répertoire des chansons déjà enregistrées celles qu'elle peut vraiment s'approprier. À ce jeu, Ima et St-Onge sont déjà des maîtres, peut-être même davantage sur A la vida! que sur Smile. Ces deux-là intègrent à leur nouveau répertoire du Véronique Sanson et du Claude Nougaro/Chico Buarque aussi bien que du Kris Kristofferson façon Janis Joplin, du Adamo, du Piaf ou même du Beatles sans se casser la gueule. Avec goût et intelligence.

Pourtant, quand St-Onge lui propose ces chansons hétéroclites, la blonde chanteuse a souvent le réflexe de les rejeter. À l'époque de l'album Smile, me raconte-t-elle dans un café du Plateau où elle a ses habitudes, elle trouvait Laisse-moi t'aimer «quétaine», et Smile, «trop pop», mais elle les a tout de même enregistrées pour finalement en découvrir les vertus.

«Parfois, je dis qu'il ne faut pas se fier à mon jugement, avoue Ima. Même quand on fait des photos, je veux souvent complètement autre chose. Mais le lendemain, j'appelle Alessandro (Cerundolo, son agent) et je lui dis que j'étais dans le champ. Je change souvent d'idée comme ça... Tellement qu'ils se sont rendu compte que quand je n'aime pas une toune dès le départ, c'est bon signe, je vais finir par l'adorer et ça va faire une super bonne chanson.»

Une boule d'émotion

Ima est une fille spontanée. Avant d'enregistrer Me and Bobby McGee, elle s'amusait en studio avec St-Onge, comme s'ils étaient devant un public du Texas à qui ils présentaient la chanson. St-Onge a gardé sur le nouvel album ladite présentation, en anglais.

«La spontanéité? Je suis faite comme ça, c'est de l'émotion pure, explique Ima. Je suis une boule d'émotion, avec ses bons et ses mauvais côtés. Parfois, ce n'est pas le fun à gérer, je suis tellement sensible que tout me touche. Mais je pense que c'est la force de mon talent, je suis comme un diapason. Par contre, si je suis trop vulnérable, faut que je reste chez nous sinon je vais énerver tout le monde!»

Ce trop-plein d'émotion, Ima a appris à l'accepter, à le canaliser et à s'en servir pour transcender l'habitude, la routine, en spectacle comme sur un plateau de tournage. Et elle arrive à le «gérer» parce qu'elle fait du yoga et est entourée de «gens extraordinaires», dont sa famille et, sur le plan professionnel, Guy St-Onge qui, dit-elle, a pris la place de son mentor Ernie Nelson, décédé en septembre 2007.

«Quand Ernie est parti, j'ai rêvé qu'il passait le flambeau à Guy. J'ai appelé Guy, et je le lui ai dit en pleurant. Il a répondu: «Moi, je serais enchanté.» Guy a des idées magnifiques, je dis toujours que j'ai trouvé mon réalisateur et que lui a trouvé sa voix. C'est un véritable dictionnaire musical. Moi, j'ai une culture musicale, mais je n'ai pas cette maîtrise-là, j'ai des flashes, des étincelles. Je suggère mes petites affaires innocemment, d'autres diraient que ça ne se fait pas, Guy dit: «Ben oui!»»

Entre autres idées de St-Onge, mentionnons celle de marier la Chanson sur ma drôle de vie de Véronique Sanson avec un piano à la Conga de Gloria Estefan. Ou de reprendre avec une sobriété exemplaire, et sans saveur latine aucune, Mourir dans tes bras d'Adamo, qui boucle magnifiquement l'album mais qui, en d'autres mains, aurait pu sombrer dans le mélo convenu.

La reprise de Me&Bobby McGee de Kristofferson, clairement inspirée par Janis mais en plus country, est de cette eau. «Ma famille vient du Nouveau-Brunswick, de l'Acadie, donc le country fait partie de nos racines, dit Ima. Mais moi, j'ai tout le temps été fermée au country, je trouvais ça quétaine, je ne voulais pas y être associée. Récemment, j'ai fait la paix avec le country. Janis n'est pas country, elle est blues, mais c'est comme une complainte, le genre de chanson qui vient me chercher. Ça doit venir de mes racines: on aime ça des chansons d'émotion, des chansons qui parlent un peu de la survie de l'âme, des peines d'amour, et qui disent que le seul moyen pour survivre, c'est chanter. C'est comme si j'avais ça en dedans de moi, comme si j'avais le mal de vivre, mais j'ai toute la joie du monde en même temps. Quand je chante cette toune-là, je viens comme en transe, j'ai la jambe qui shake...»

Liberté et responsabilité

Ima affirme que sa carrière dévie souvent des sentiers maintes fois empruntés et qu'une certaine liberté est nécessaire pour faire des reprises tout en évitant le piège de la recette prévisible. Mais elle ne se permet pas de tout faire ce dont elle a envie. Elle s'est battue pour enregistrer Crazy ou la chanson thème des Parapluies de Cherbourg, mais on lui a fait comprendre que c'étaient des chansons trop tristes, qu'elle devait faire sourire les gens. «Je les ai mises de côté, mais je vais peut-être les faire un jour, je les aime», dit-elle.

Elle a plein de projets avec St-Onge, dont un en particulier qu'elle garde secret. Quelque chose plus proche du jazz, comme ce disque de standards enregistrés pour Casino et qui n'a jamais vu le jour, faute de timing? «Je ne peux pas le dire, mais un jour, j'aimerais faire quelque chose de plus jazz. J'ai une influence jazz parce que je suis une musicienne, j'ai une super oreille, on compose des choses, on fait des jams et les musiciens me disent: «Quoi! T'es capable de faire ça?» Je le découvre en même temps qu'eux, moi aussi. Guy, lui, dit qu'il a toujours su que j'en étais capable.»

Elle ne saurait dire si son prochain album sera encore composé de reprises, d'autant qu'elle ressent un besoin de s'exprimer «avec des choses de mon cru, à ma manière», dit-elle. Mais pas tout de suite. Elle avait quatre chansons originales pour le nouvel album, mais n'en a retenu que deux.

«Le public a tellement tripé sur Smile, je ne peux pas lui offrir seulement des chansons originales, explique-t-elle. Je fais de la musique pour moi, mais aussi pour faire du bien aux gens. Des fois, je trouve qu'on est tellement dans notre art qu'on en oublie les gens qui écoutent notre musique et qui nous encouragent. Ça m'est arrivé plein de fois d'aller voir des artistes que j'adorais et qui changeaient toute la couleur de leurs chansons, qui ne jouaient pas les succès qui me faisaient tripper. Quand t'as du succès, t'as une responsabilité.»