Le Bell Orchestre lance mardi son deuxième disque, l'envoûtant As Seen Through Windows. Discussion avec Richard Reed Parry et Pietro Amato sur la réclusion, les balades en voiture à 2h du matin et Arcade Fire, un groupe «comme les autres».

«Il y a quelque chose de beau, triste et paisible dans la campagne. C'est plein de silence. Notre musique s'en nourrit beaucoup. Comme elle est très intuitive, on veut laisser les choses naître lentement et spontanément», raconte en franglais Richard Reed Parry (Arcade Fire), contrebassiste du Bell Orchestre.

 

C'est ce qui explique en partie pourquoi sa troupe s'est enfermée dans un chalet en banlieue de Sutton, puis dans une maison du Vermont, pour écrire de nouvelles pièces. Pour cela, et aussi pour fuir les distractions. Car les six membres du groupe ont un horaire chargé. Par exemple, la violoniste Sarah Neufeld est elle aussi membre d'Arcade Fire. Les autres jouent dans Torngat, Luyas, IKS ou Snailhouse. «Fallait s'isoler pour mieux se concentrer», résume Parry.

Il est 11h du matin dans un café vaguement bohème de l'avenue Duluth. Le ton du grand rouquin est doux et souriant. Sous ses bretelles, on remarque un t-shirt de Battles. «Ç'a été mon groupe préféré pendant un bout de temps, lance-t-il. Ces jours-ci, j'écoute souvent un vieux trio folk de soeurs du Vermont. C'est très naïf. Je redécouvre aussi The Band.»

Un disque de l'aube

Rien de tout cela ne s'entend sur As Seen Through Windows. Avec son deuxième album, le groupe montréalais réussit à créer son propre univers. Son rock orchestral ou post-rock se distingue des autres oeuvres du genre. Fragile et émotif, sans jamais être dépressif, avec une rythmique qui dépasse les simples montées linéaires. Un disque parfait pour l'aube.

«C'est vrai, acquiesce Parry. D'ailleurs, on travaillait souvent le matin. (...) Sinon, on ne voulait pas imiter ce qui s'était déjà fait, ni écrire de la musique pour angoisser seul dans le noir.»

Arrivé quelques minutes plus tard, Pietro Amato (cor français) apporte un bémol. «La nuit aussi, c'est bien! Je me souviens de ma première écoute complète. Avec Stefan (Schneider, le batteur), j'avais quitté Montréal à minuit, en direction du Vermont. La nuit était opaque. On a mis le disque vers 2h30. Tout semblait enfin sonner de la bonne façon.»

La bande s'est rendue à Chicago pour enregistrer ses fresques avec John McEntire, batteur et réalisateur de Tortoise et The Sea and Cake. «C'est un des rares réalisateurs des 10 ou 15 dernières années dont on reconnaît immédiatement la signature sonore, s'emballe Parry. En plus, il adore le noise. Suffit de lui demander de trafiquer un peu le son de la batterie pour le rendre heureux.» Dès la première écoute, on constate la qualité du travail, entre autres dans la reprise de Bucephalus Bouncing Ball d'Aphex Twin (tirée de l'album Come to Daddy).

Cette musique, le Bell Orchestre la présentera le 19 avril à La Tulipe et dans une poignée d'autres salles du Québec. «On ne veut pas devenir des guerriers de la route, justifie Parry. On choisit quelques villes pour garder un horaire raisonnable.»

Pietro Amato sourit. «En fait, moi, je deviens un guerrier de la route. Le nouveau disque de Torngat sort en même temps que celui du Bell Orchestre. Et les deux tournées se déroulent en même temps.»

Le bonheur du dropout

On en profite pour demander à Richard Reed Parry s'il travaille présentement avec Arcade Fire. Il reste sympathique, mais devient moins loquace. Presque mal à l'aise, comme s'il ne comprenait pas la frénésie entourant le groupe. «On se rencontre (à Montréal) trois ou quatre fois par semaine pour jouer. Il n'y a rien de très spécial là-dedans. C'est comme n'importe quel autre groupe.»

Il retourne à son piña colada et son chausson aux pommes, et on passe à un autre sujet: le concert du Bell Orchestre la semaine dernière avec le Brooklyn Philharmonic Orchestra. «C'était un peu bizarre, se souvient Pietro. On était placés devant eux sur scène. Je me disais: c'est pas mal pour un dropout de l'université comme moi...»

Bell Orchestre sera en spectacle à La Tulipe, le 19 avril.