«La voix c'est un instrument, même si on pense souvent qu'on est né avec une voix», me dit Stéphanie Lapointe quand je la rencontre avant son départ pour Paris où elle chantait hier soir - et ce soir - en première partie d'Isabelle Boulay, à l'Olympia.

Puis elle ajoute: «Je cherche encore ce que je veux être, ce que je veux présenter. Et j'ai décidé d'assumer ce qui, moi, me parle, ce que, moi, j'écoute: Jane Birkin, Françoise Hardy. C'est le genre de voix qui me touche parce qu'elles se prêtent bien aux chansons à texte, j'aime cette esthétique-là. Sur cet album-là, j'ai eu envie d'explorer ça... Je ne sais pas comment ça va évoluer à travers le troisième. C'est quand même un risque assumé parce que je sais qu'au Québec, les voix sont à l'avant-plan.»

Elle a déjà entendu les comparaisons avec Coeur de Pirate, pour la texture de la voix et l'accent indéfinissable. «On se connaît Béatrice et moi, c'est une fille chouette, je trouve que c'est un beau diamant brut, Coeur de pirate, c'est une bonne mélodiste, dit-elle. Mais je ne me sens pas tellement dans la même famille parce que mon album est très orchestral, très arrangé alors qu'elle, elle est plutôt piano-voix.»

Les références à la France et aux années 60 ne s'arrêtent pas là. Sur une photo à l'intérieur de la pochette de Donne-moi quelque chose qui ne finit pas, on jurerait reconnaître Sylvie Vartan en 1965. Stéphanie Lapointe acquiesce d'un rire amusé: «Oui, oui, c'est une époque qui me fascine. Mais je n'ai pas voulu faire un album des années 60, je pense au contraire qu'il est assez contemporain.»

Une famille talentueuse

Ce deuxième album de Stéphanie Lapointe, son premier depuis qu'elle a quitté Les Productions J, est ambitieux sur tous les plans. Les réalisateurs Joseph Marchand et Mélik-Alexandre Farhat y sont pour beaucoup, qui ont enveloppé les chansons dans de superbes nappes orchestrales. On y retrouve aussi bien Alex McMahon et Jean-Phi Goncalves, complices d'Ariane Moffatt, que François Lafontaine de Karkwa. «C'est une petite famille, comme les groupes au secondaire, on finit par prendre des cafés, on se tient ensemble», dit la chanteuse.

Stéphanie Lapointe n'avait écrit qu'une chanson pour son premier album, Sur le fil, et en 2007, elle disait à ma collègue Nathalie Petrowski qu'elle serait la plus heureuse des femmes si elle en composait quatre qui tiennent la route pour son deuxième. Elle en signe pas moins de huit, seule ou avec d'autres! Il faut dire que sa famille élargie compte aussi de bons auteurs et/ou compositeurs: Tristan Malavoy, le Français Albin de la Simone, ainsi que Pierre Lapointe et Philippe B.

«Je voulais travailler avec Pierre mais je savais qu'il n'avait jamais écrit pour d'autres, raconte-t-elle. Je l'ai contacté, je m'attendais à ce qu'il me dise qu'il ne pouvait pas, mais moi, je suis comme ça, j'essaie quand même. C'est comme avec La Presse (le reportage sur son voyage au Darfour avec son copain Dominique Laurence, publié en janvier dernier), je me suis dit que ça ne marcherait pas, mais j'ai foncé quand même.»

Pierre Lapointe et Philippe B. venaient justement d'écrire une chanson qui conviendrait à «une petite voix française». «Ils me l'ont envoyée par internet, c'était super beau, pas arrangé du tout, un peu à la Brassens, dit Stéphanie. Ça s'appelle Une fleur. On l'a faite très orchestrale. Pierre et Philippe ont vraiment aimé ça et quand ils ont senti qu'il me manquait une chanson pour compléter l'album, ils en ont composé une autre (Eau salée, le premier extrait).»

Stéphanie avait beaucoup aimé un duo d'Albin de la Simone avec Feist (Elle aime). Elle est donc passée par un musicien français qu'elle connaît et par Pierre Lapointe pour communiquer avec l'auteur-compositeur français. Après quelques échanges de courriels, de la Simone est venu à Montréal, ils ont dîné chez Ariane Moffatt et ont enregistré en duo la chanson À quoi.

Elle a aussi voulu travailler avec Benjamin Biolay. «Grâce à Isabelle (Boulay), je l'ai rencontré, raconte-t-elle. Je suis allée à Paris, mais il avait oublié qu'on devait se voir. Il m'est arrivé de viser trop haut et que ça ne marche pas, mais comme je disais à Isabelle, je vais réessayer. Je veux travailler avec lui.»

Stéphanie, l'hyperactive

Cette Stéphanie volontaire est loin de la jeune femme qui, tout de suite après Star Ac, disait à qui voulait l'entendre que si ça ne fonctionnait pas en chanson, elle se rabattrait sur le travail humanitaire. «J'étais comme une fille qui tombe amoureuse et qui ne veut pas l'avouer», dit-elle aujourd'hui avec un sourire timide.

Quand Stéphanie Lapointe parle déjà d'un troisième album à venir, elle ne bluffe pas. Sur son nouveau disque, elle reprend Bang Bang de Sonny Bono façon Sheila et elle veut maintenant enregistrer un album de reprises, des trésors oubliés du Québec et de la France, qu'elle lancerait cette année, avant même d'entreprendre une tournée de spectacles. Elle entend aussi renouer avec le métier de comédienne et vient de s'inscrire à une agence de casting: «J'aimerais passer des auditions, je reçois des scénarios depuis deux semaines, je regarde ça, mais je suis tellement débarquée du circuit depuis Aurore...»

Plus que jamais, Stéphanie Lapointe veut prendre le train pendant qu'il passe: «Donne-moi quelque chose qui ne finit pas, c'est pour moi le fil entre toutes les chansons de l'album : est-ce que c'est possible, en 2009, d'avoir une carrière qui dure, un amour qui dure? J'ai l'impression qu'on est une génération de feux de paille, de feux roulants. Des Céline Dion, des Françoise Hardy, est-ce qu'il y en aura encore? Je regarde Pierre Lapointe et je me dis que dans les années 50, c'est un gars qui aurait fonctionné toute sa vie. Je le lui souhaite sincèrement et dans mon for intérieur, je pense que ça va être un de ceux qui vont rester...»