Voici Handsome Furs, le couple musical de l'heure au Québec. Formé de la musicienne-programmeuse-écrivaine Alexei Perry et du chanteur-guitariste Dan Boeckner, membre du groupe indie-rock Wolf Parade, le duo lance ces jours-ci l'excellent Face Control, son deuxième album, sur étiquette Sub Pop.

Alexei Perry semble radieuse au bout du fil, bien qu'elle couve un rhume. Probablement chopé dans l'avion: Alexei et son mari reviennent d'une tournée promotionnelle en Europe pour la sortie de Face Control, passionnant album qui ramènera le couple sur les scènes du monde - et à Montréal le 3 avril, au Il Motore.

 

Si on se fie uniquement à la pochette, Face Control a l'air teigneux. Sur fond rouge vif, il y a une tête de chien, du genre qu'on ne veut pas flatter - un berger allemand? À l'arrière, le buste d'un jeune Vladimir Poutine en uniforme. Faut glisser l'album dans le lecteur CD pour se rassurer sur la nature des chansons, franchement pop, au grand potentiel mélodique, rugueuses seulement au chapitre des arrangements de guitare et de synthétiseurs.

«C'est vrai que ça a l'air menaçant; ce n'est pas l'intention, d'ailleurs. Ça se veut d'abord un commentaire sur l'état de notre monde», commente Alexei, sans une once de prétention. Le tandem ne prêche pas que le monde va mal, mais propose une réflexion sur le monde qui l'entoure et celui qu'il a visité en tournée. Dans les pays d'Europe de l'Est et en Russie, dans ce cas-ci, d'où l'inspiration de certaines chansons, de la pochette et du titre, Face Control.

«On a voyagé, beaucoup - Pologne, Lettonie, un peu de Russie. C'était fascinant de constater le contrôle exercé sur la population. En Russie, par exemple, la démocratie sert de paravent pour admettre un capitalisme à tout rompre; on a été étonnés de constater les bons, mais surtout les mauvais côtés de cette situation.»

Que Face Control paraisse en pleine crise économique mondiale alimente les thèmes du disque: «Le timing est ce qu'il est, mais on ne veut surtout pas avoir l'air de donner une opinion ou de faire un testament politique.»

L'arbitraire

Face Control, explique Alexei, réfère à la «politique» des gardiens qui assurent la sécurité à l'entrée des boîtes de nuit, bars et restos sélects de Moscou: «Dans ces endroits chic qui coûtent une fortune, tu dois te soumettre au «contrôle du visage». Si le portier n'aime pas ton visage, t'es foutu, tu restes dehors. Or, t'as beau être la plus belle top-modèle, ou être plein de fric, si le portier ne t'aime pas, il ne te laisse pas entrer. C'est un peu comme le code vestimentaire, mais encore plus arbitraire!»

Derrière ces petites et grandes injustices soulignées par Alexei et son mari, le groupe dissémine néanmoins beaucoup de tendresse dans ses chansons. Ce qui excite, dans la musique de Handsome Furs, c'est le contraste entre les mélodies accrocheuses, les chansons simples et efficaces, et les arrangements froids, minimaux, très électros, pas mal plus que sur Plague Park, le premier album, également paru sur Sub Pop, en 2007. Un alliage risqué et réussi entre la voix passionnée et la guitare noyée dans le fuzz de Broecker, et les rythmiques mécaniques et omniprésentes de sa compagne. Laquelle a dû apprendre «sur le tas» son métier.

Trac et terreur

«Pour être totalement honnête, j'ai encore un trac fou avant chaque concert, ça me terrifie! En plus, je suis plutôt de nature solitaire; or, devoir me produire devant parfois des centaines de gens, c'est difficile. Je ne sais pas si ça m'aide vraiment, mais d'apprendre encore aujourd'hui à manipuler mes instruments, ça provoque parfois des éclats de génie, aussi imprévus que bienvenus. Au bout du compte, je suis vraiment heureuse de faire ce que je fais; jamais je n'aurais cru pouvoir être aussi bien en faisant de la musique.»

Nouvel album, nouveaux épisodes de terreur pour Alexei, qui a néanmoins le bonheur de pouvoir compter sur son mari: le duo reprendra la route, début mars. «De tourner comme ça, ici, aux États-Unis ou dans des pays éloignés, ça m'a rappelé que chaque concert est un défi où on doit gagner la faveur du public.»