Le quatrième festival international Montréal/Nouvelles musiques se déroule jusqu'au 1er mars. Le thème: Mythes et légendes. Une trentaine de conférences, classes de maîtres et concerts sont proposés, incluant la soirée Hauts-Voltiges avec la soprano canadienne Barbara Hannigan. Une rencontre inattendue entre le classique contemporain, le rock progressif et la vidéo psychédélique.

«As-tu vu mon site web? demande l'élégante soprano d'un ton affable et posé. Une photo me montre avec une perruque noire, un costume de dominatrice et un fouet. C'est ce que je vais porter à Montréal.»

 

D'accord.

Barbara Hannigan participera à la soirée Hauts-Voltages jeudi prochain. Elle chantera et dirigera Mysteries of the Macabre - des arias extraits de Le Grand Macabre de György Ligeti. L'opéra s'inspire d'une pièce de théâtre de Michel de Ghelderode. À la fois tragique et absurde, il ironise sur la mort, les dictateurs et leurs horreurs insensées. Hannigan compare l'adaptation de Ligeti à «du Rossini revisité en cartoon japonais avant-gardiste».

C'est devenu son oeuvre signature. Elle l'a interprétée une vingtaine de fois depuis 2001, y compris la semaine dernière à Bruxelles. C'est là que nous l'avons jointe pour l'interview.

«J'incarne Gepopo, une chef de police de style KGB, explique-t-elle. Je sombre dans la paranoïa et l'hystérie. Depuis des années, je préviens la population de catastrophes imminentes, qui n'arrivent finalement jamais. Puis pour une fois, j'ai raison. Une comète se dirige vers la Terre. Elle nous décimera tous. Je veux prévenir la population, mais personne ne me croit, ce qui me rend encore plus hystérique.»

L'oeuvre très contemporaine mêle l'anglais aux soliloques déments. Plus Gepopo panique, plus elle échappe des mots insensés. Hannigan compare son rôle virtuose à «une Reine de la nuit (personnage de La flûte enchantée de Mozart) dopée aux amphétamines».

Non seulement la Néo-Écossaise installée à Amsterdam chantera ces notes délurées, mais elle dirigera en plus l'orchestre. «Je sais, c'est un immense défi, surtout pour ma première performance à vie à Montréal.»

Que de la «bonne musique»

La soirée Hauts-Voltages s'intéresse aux années 70. Outre Ligeti, la programmation éclectique comprend des oeuvres de John Cage (Third Construction), Iannis Xenakis (extraits de Pléiades), Alain Thibault (Volt) ainsi que des groupes Yes (Close to the Edge, avec les Petits Chanteurs du Mont- Royal), King Crimson (21st Century Schizoïd Man) et Emerson, Lake and Palmer (Tarkus).

«Oui, Tarkus est un classique, acquiesce Walter Boudreau, directeur artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) et un des chefs d'orchestre de la soirée. Mais justement, quand le joue-t-on, ce classique? Jamais. Ce n'est plus au goût du jour, on l'a laissé tomber. C'est dommage», déplore-t-il.

Des vidéos du Français Jérôme Bosc et de l'Américain Matthew Biederman accompagneront certaines oeuvres. «Vous n'aurez pas besoin de psychotropes pendant Tarkus, blague Boudreau. La vidéo suffira. Elle est synchronisée au centième de seconde près avec la musique, les deux s'agencent parfaitement.» Idem pour Volt d'Alain Thibault, qu'il qualifie «d'hommage psychédélique à Frank Zappa».

L'éclectisme de la programmation ne devrait pas surprendre, insiste Walter Boudreau. Selon lui, toutes ces oeuvres appartiennent à la même famille. «Au-delà des sous-genres et des modes, il n'existe que deux catégories de musique: la bonne et la mauvaise. Nous choisissons la bonne.»

Hauts-Voltages, une production de la SMCQ, jeudi le 26 février à 20h à la salle Pierre-Mercure.

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À VOIR

Chantez avec Raôul Duguay

Cela ressemble à un risque artistique. Walter Boudreau et Raôul Duguay, deux anciens complices de l'Infonie, convient le public à un «méga karaoké collectif». Dirigée par Duguay, la foule chantera In C de Terry Riley, avec l'aide de sept solistes de la SMCQ. On attend 333 chanteurs. Le concert commence à 3h33 pm, «heure fétiche» de Boudreau... C'est gratuit.

Demain à l'église Saint-Jean-Baptiste.

Love songs

L'ensemble vocal français Les jeunes solistes interprète des «chants d'amour» du 17e et du 20e siècles. Les oeuvres sont de Monteverdi, Debussy, Ravel, Campo et Vivier. Pour entendre l'amour en polyphonie.

Samedi 28 février, salle Pierre-Mercure, 19h30

Pour la programmation complète: www.festivalmnm.ca