Alain «Auguste» Bédard... Ce deuxième prénom figure non seulement sur le baptistère du contrebassiste, mais aussi sur la pochette de trois albums de son groupe, dont le récent et fort bon Bluesy Lunedi, matière principale du concert de l'Auguste Quintet présenté ce soir au Gesù.

Lorsqu'on le contacte, le contrebassiste est très contrarié. On vient de lui renvoyer pas moins de 12 000 exemplaires des CD de l'excellente étiquette Effendi, qu'il a fondée avec sa compagne et chanteuse Carole Therrien. Jusqu'au week-end dernier, Effendi était distribuée par Fusion 3 qui doit actuellement faire face à de grandes difficultés financières... et qui doit larguer nombre de ses clients afin d'éviter le pire.

«Je ne sais trop ce qui va se produire», échappe-t-il, très inquiet et forcé de trouver une solution. Inutile d'ajouter que la production indépendante d'enregistrements de jazz est particulièrement ardue par les temps qui courent.

«C'est d'ailleurs pour cette raison que nos artistes se produisent le plus souvent possible. Nous revenons d'une tournée canadienne et nous avons vendu plusieurs centaines de CD à nos concerts», explique le musicien et entrepreneur.

Passons donc à un sujet plus agréable et plus... auguste: le concert de ce soir avec la même formation que l'on retrouve sur Bluesy Lunedi.

Une des belles particularités de l'Auguste Quintet, nouvelle mouture, réside dans cette instrumentation qui comporte deux saxophonistes ténors: «Peu après la sortie de l'album précédent (Sphère Réflexion), raconte Alain Bédard, on a commencé à jouer avec Jean-Christophe Béney et Frank Lozano - qui jouent aussi du saxophone soprano. Je trouve ça intéressant, car les deux ne cessent de se relancer. Du coup, on retrouve tout le registre du saxophone ténor. J'ai d'ailleurs réécrit les pièces de l'ensemble pour les adapter à ce contexte.

«Ces deux musiciens sont excellents, soulève leur employeur: le son de Frank est plutôt feutré, proche d'un Joe Lovano par exemple, alors que celui de Jean-Christophe est plus perçant, plus coltranien. Ça donne un vrai contraste, c'est toujours intéressant d'entendre et d'apprécier les différences de deux ténors - et parfois deux sopranos, ou encore un dialogue entre ténor et soprano.»

Le leader de l'Auguste Quintet aura aussi de bons mots pour le jeune pianiste Alexandre Grogg, qui fait son chemin sur la scène locale: «Il s'est beaucoup amélioré, il a des idées très intéressantes sur le plan de l'improvisation, en plus d'avoir acquis de la virtuosité. Rythmiquement, il est fort, son style est de plus en plus personnel.»

Inutile d'ajouter qu'Alain Bédard apprécie au plus haut point le jeu du batteur Pierre Tanguay, un musicien des plus fins dont la réputation n'est plus à faire. Ce soir, cependant, Tanguay (en vacances sur une île avec sa douce) sera remplacé par Michel Lambert, qui joue sporadiquement au sein de l'Auguste Quintet.

Jadis, le contrebassiste a connu un problème de motricité avec une main à la suite d'un accident, ce qui l'avait mené à se concentrer davantage sur la production de disques et la fondation d'Effendi, qui compte 90 albums à son répertoire. Ce problème de santé semble s'être résorbé puisque le musicien monte régulièrement sur scène depuis quelques années. «Parfois, lorsque je suis très fatigué, ça revient un peu... Mais, de manière générale, j'ai retrouvé la forme», confie-t-il.

La contrebasse, indique en outre Alain Bédard, modèle ses compositions.

«Tout provient de mes répétitions sur l'instrument. Je trouve alors des motifs sur lesquels je construis. J'écris ensuite les lignes mélodiques, j'harmonise et j'arrange le tout en finalisant au piano. J'ajouterais que les compositions des bassistes sont différentes de celles des autres jazzmen. Si on prend Dave Holland, Charles Mingus, Buster Williams, Jimmy Garrison, Paul Chambers, Oscar Pettiford, Steve Swallow ou Eddie Gomez, il y a toujours des surprises dans leur écriture, des mesures composées par exemple.»

Et que dire des particularités de votre écriture, auguste interviewé!

L'Auguste Quintet se produit ce samedi soir, 20h, au Gesù.