Elle n'a que 25 ans, mais son parcours est déjà bien rempli. L'auteure, compositrice et interprète folk rock torontoise Serena Ryder, en concert jeudi au Petit Campus, lance ces jours-ci son troisième album studio pour un major (EMI) et prépare son invasion américaine.

Soirée folle des deux côtés de la frontière. Au nord, la colline parlementaire est comme une ruche qu'on aurait frappée d'un bon coup de pied - le coup de pied ici étant les discours télévisés des chefs fédéraux et les analyses qui en découlent.

À quelques heures de route au sud, une jeune femme tout aussi fébrile répond à notre coup de fil. Serena Ryder est à l'aéroport LaGuardia de New York, où elle attend son vol pour Toronto. «Je suis aux États-Unis depuis quelques jours, j'ai tout manqué; est-ce que Stephen Harper est toujours premier ministre?», demande-t-elle.

«Je ne suis pas la personne la mieux informée sur le sujet, ajoute-t-elle. Je m'intéresse beaucoup à ce qui se passe dans le monde, mais je déplore que la politique soit comme une grosse business. Ça manque de considérations humaines.»

Par ailleurs, on la comprend d'avoir la tête ailleurs que dans les affaires intérieures canadiennes, puisque Serena Ryder préparait ces derniers jours son «invasion» américaine.

Son nouvel album, le très bon It's O.K. lancé ici il y a quelques jours, bénéficiera d'une sortie officielle aux États-Unis en février, sur le label Atlantic. «Je crois qu'un de mes albums a déjà été disponible là-bas, mais il n'avait jamais bénéficié d'une quelconque promotion. Cette fois, je serai bien appuyée».

Pour mesurer justement ce développement dans la carrière de la jeune musicienne, il faut se rappeler son parcours. À 15 ans, elle lançait une première cassette de ses propres compositions. «À 16 ans, un premier CD, autoproduit. Et un autre à 17 ans...» On dit qu'elle a une vieille âme; c'est sûrement à cause de sa voix, forte mais curieusement usée, on a osé la comparer à celle d'une Janis qui aurait moins envie de crier que de trouver la note juste.

Classique de Raymond Lévesque

Précoce, Serena. Autodidacte, par-dessus le marché. «J'ai pris des leçons de piano, c'est tout. J'ai appris mon métier sur le tas, en vivant. Mes influences? Tracy Chapman, Ani DiFranco, Leonard Cohen, tellement d'autres» qu'elle a élégamment étalées sur son précédent disque, If Your Memory Serves You Well, collection de reprises de classiques, canadiens, des Neil Young, Paul Anka, The Band, Cohen. Et, surprise, Quand les hommes vivront d'amour de Raymond Lévesque.

«Le président de la Canadian Academy of Recording Arts and Sciences m'avait fait entendre cette chanson, raconte-t-elle. Je suis tout de suite tombée en amour avec elle, sans savoir à quel point elle comptait pour les Québécois.» Serena se débrouille d'ailleurs fort bien en français, «mais j'ai besoin de m'y mettre plus sérieusement. J'essaie justement d'avoir l'accent québécois», dit-elle, en français dans le texte.

Il y a quelques mois, elle se rendait au festival texan South by South West, «vraiment juste pour le fun, mon agent et moi. J'y donnais un concert, et un représentant d'Atlantic m'a découverte. J'étais sa première prise du festival! Il y a des choses comme ça qui ne s'expliquent pas autrement qu'en invoquant le destin. C'était le bon temps pour moi.»

«Ce qu'ils ont entendu chez moi? Tu sais, il y a beaucoup de bouleversements dans le monde, incroyables, terrifiants aussi. Les représentants d'Atlantic m'ont dit qu'ils croyaient que, dans ces circonstances, les gens ont besoin d'authenticité. Aujourd'hui, n'importe qui et son chien peut faire un disque, s'acheter un ordinateur, trafiquer sa voix sur des rythmes. Je pense que ce que je fais, transmettre une passion pour l'écriture de chansons, c'est ce qui a séduit les Américains.»

Serena Ryder sera au Petit Campus, le 11 décembre.