Dumas n'a pas 30 ans, mais sa discographie est déjà impressionnante: trois albums (Dumas, Le cours des jours et Fixer le temps), un mini-album (Ferme la radio) et une bande sonore (Les aimants, en collaboration avec Carl Bastien). Un autre s'ajoutera sous peu avec la sortie, mardi, d'un disque intitulé Nord, concocté à quatre mains avec son ami Louis Legault. Total: six disques en sept ans et pas un auquel on puisse reprocher d'être raté.

Occupé à écrire son prochain album - tiens donc -, Dumas a choisi de ne pas lever le voile sur les dessous de Nord. Il n'en expliquera pas tout de suite la genèse, ni le sens. Ce silence ne durera pas. Tôt ou tard, on l'interrogera au sujet de cet album axé sur les atmosphères, mû par un mouvement presque ininterrompu évoquant celui d'un train en marche et où l'émotion s'insinue en nous à coups de mots susurrés et des notes éparses d'un clavier économe.

 

Il y a du voyage dans l'air. De l'inquiétude. De la grisaille, aussi, ce qu'on aurait perçu même si la pochette n'évoquait pas les épreuves argentiques. Pour le reste, il faut laisser les images jaillir de la musique. Nord possède cette qualité: faire naître des images, des embryons d'histoires même. Dumas et Louis Legault ayant préféré ne pas partager les leurs, il serait malvenu de briser le charme: ce que ces chansons évoquent, je le garderai aussi pour moi.

De nombreux artistes se plaisent à dire que chacun peut interpréter son art à sa guise. Souvent, c'est une façon assez cliché de détourner l'attention de textes confus, malhabiles, aux images tellement floues qu'elles ne touchent pas à l'universel, mais au fond du baril de la poésie. Nord semble toutefois avoir été pensé - et soigneusement conçu - exactement pour ça: laisser libre cours à différentes interprétations.

Où situer Nord dans la discographie de Dumas? Entre Le cours des jours et Fixer le temps, est-on tenté de dire. Parce qu'il est porté par un mouvement continu que le premier et moins rock que l'autre. Il faudra sans doute réviser cette position lorsqu'on connaîtra la suite. Nord confirme par ailleurs le goût de Dumas pour les projets sans visée commerciale. Il y a quatre ans, il a fait presser un CD de quatre titres, Ferme la radio, disponible à ses spectacles, mais pas chez les disquaires. Son disque réalisé avec son ami Louis Legault sera en magasin, lui, mais pour un temps limité: il n'en existe que 10 000 exemplaires...

Les petits films de Jorane

À sa manière, Jorane fait aussi son cinéma. Tacca a publié récemment une compilation double intitulée X-Dix, soulignant bien entendu la première décennie de carrière de cette violoncelliste atypique. Sur le premier disque, ses meilleurs morceaux, tel que choisis par ses fans. S'y retrouvent quelques évidences: Pour Gabrielle (16 mm), Pour ton sourire (Évapore), Dit-elle (Vent fou), Loopita (Canvas Or Canvass?) et Film III (16 mm).

Le deuxième disque rassemble, quant à lui, des morceaux écrits ou inspirés par le cinéma. She said, la version anglaise de Dit-elle, pour le très intense I Am Dina d'Ole Bornedal, les musiques des génériques d'Immensément Québec de Jean-Claude Labrecque et un morceau intitulé Poco De Viento, inspiré de The Three Burials Of Melquiades Estrada, film de Tommy Lee Jones. La couleur mexicaine de ce morceau chanté en espagnol constitue la plus grande surprise de ce disque, qui souligne une fois de plus les qualités dramatiques et narratives des musiques de Jorane.