Zappa plays Zappa revient pour la troisième fois à Montréal depuis la création en 2006 de cet orchestre permanent dirigé par fiston Dweezil, un des quatre enfants du fameux musicien disparu. Cette paire de concerts au Gesù, vendredi et samedi prochains, sera assurément différente des escales précédentes, annonce le guitariste.

Frank Zappa est mort le 4 décembre 1993, à l'âge de 52 ans. Chaque année passée depuis sa disparition prématurée (un cancer de la prostate), renforce cette idée: Frank doit être considéré comme l'un des grands compositeurs de la musique moderne américaine, au même titre que George Gershwin, Duke Ellington, Cole Porter, Charlie Parker, Wayne Shorter, Philip Glass ou Steve Reich. D'où la nécessité pour les mélomanes de bien saisir l'envergure de son oeuvre.

 

Grâce (notamment) à fiston Dweezil, 39 ans, dont l'orchestre Zappa Plays Zappa ne cesse d'explorer le vaste répertoire.

Encore faut-il rappeler que l'imaginaire sonore du paternel était plus que foisonnant, il absorbait la pop culture dans son ensemble, en amalgamait les matériaux dans une oeuvre monumentale, et ce sans en perdre les vertus divertissantes. Pop parodiée, attitude rock, bruitisme, ponctions de musique contemporaine, easy listening, funk, blues, jazz moderne, musique électronique, bref tous les sons zappiens ont transcendé leur époque en plus d'en avoir constitué des collages spectaculaires, aux antipodes de l'académisme.

Ce qui justifie amplement un orchestre exclusivement consacré à son oeuvre.

«Nous avions amorcé ce travail avec l'intention de le reprendre annuellement, pour ainsi consolider l'auditoire de Frank bien au-delà de ses fans originels. Et lui faire réaliser entre autres que mon père n'était pas le Weird Al Yankovic de son époque. Que sa musique allait bien au-delà de l'ironie, de la satire ou la comédie. Il leur faut découvrir toute la profondeur de sa musique. Et ça ne fait que commencer», souligne Dweezil Zappa, joint à son domicile californien.

Contexte plus intimiste

Dans un contexte plus intimiste que celui des tournées précédentes, le guitariste et sa bande comptent remplir deux Gesù d'affilée.

«Le défi, estime-t-il en outre, est de présenter un répertoire différent chaque soir et de s'adapter à chaque auditoire de notre itinéraire. Par exemple, nous venons tout juste de mettre au point l'interprétation de Billy The Moutain. Une demi-heure de musique! Vous savez, cette pièce n'a pas été jouée depuis 30 ans!»

Zappa plays Zappa, pense Dweezil, est un concept qui pourra durer car il peut s'appuyer sur un répertoire assez considérable pour des années de tournée.

Des noms vendeurs

«Nous maîtrisons désormais plus de 60 pièces, nous avons travaillé très fort pour apprendre la musique de Frank. Plus nous la comprenons, plus nous apprécions les qualités de compositeur de mon père. Il y a tant de musique à choisir! Ce changement permanent de programme dépend aussi de l'humeur des musiciens dont je m'efforce de mettre en relief les qualités de solistes.»

En 2006, Zappa Plays Zappa se présentait sur scène avec des invités spéciaux, des musiciens ayant collaboré avec le paternel -Steve Vai, etc. Ce n'est plus le cas.

«Il faut dire que je n'avais pas planifié les choses ainsi, précise Dweezil. Les promoteurs voulaient des noms connus pour remplir leurs salles. Je leur disais toujours que ce choix était risqué, c'est-à-dire qu'on faisait sentir aux fans que seuls les collaborateurs originels de Frank pouvaient jouer cette musique, alors que les compositions de Frank se suffisent à elles-mêmes. À mon sens, donc, on donnait plus de poids que nécessaire aux musiciens ayant joué avec mon père. Et ce, au détriment des plus jeunes générations qui n'écoutent pas cette musique avec nostalgie.»

Pas de problème d'identité

Même s'il s'applique à en perpétuer l'impact, Dweezil Zappa refuse cette idée d'être bouffé par la musique du paternel.

«Dans Zappa Plays Zappa, je joue consciemment la guitare à la manière de mon père, sans faire de transgressions. Or, mon jeu diffère considérablement lorsqu'il s'agit de présenter ma propre musique. En fait, je n'ai jamais été inquiété par quelque perte d'identité. Bien sûr, je veux jouer mon propre matériel, mais... apprendre la musique de Frank est la meilleure éducation musicale que mes musiciens et moi puissions espérer.»

Zappa Plays Zappa, au Gesù les 24 et 25 octobre. La première représentation est à guichets fermés.