L'université mène à tout, même aux costumes zoulous. Parlez-en à Thomeki Dube, leader et cofondateur du groupe zimbabwéen Black Umfolosi, qui se produit ce soir au Théâtre National.

Rien ne prédestinait cet étudiant en agronomie à devenir chanteur. Mais les hasards de la vie l'ont amené à créer un groupe de musique avec ses collègues de l'école. L'expérience devait être courte, mais elle dure depuis 26 ans! Et ne semble pas près de s'arrêter, puisque Black Umfolosi est actuellement un des ensembles les plus sollicités de la musique dite «imbube».

Produit de la culture zoulou, l'imbube se distingue par ses chansons à répondre de type a cappella. Un chanteur lance une mélodie, le reste du groupe lui répond en harmonies vocales. Imaginez, mettons, les Charbonniers de l'enfer interprétant la chanson du Roi lion, et vous aurez pigé le principe...

Cette forme de chanson traditionnelle n'est pas née d'hier, explique Thomeki au téléphone. C'est un style folklorique très populaire depuis des décennies au Botswana, en Afrique du Sud et bien sûr, au Zimbabwe.

«À l'époque, après la journée de travail, les gens avaient l'habitude d'aller relaxer dans les beer gardens (des genres de terrasses). Après quelques bières, un type commençait à chanter des chansons reliées à sa vie. D'autres clients, qui avaient eux aussi bu quelques bières, lui répondaient en harmonies. Ces chansons improvisées, entre inconnus, ont fini par devenir un art en soi. Et une profession.»

Ladysmith Black politique

On a souvent comparé Black Umfolosi au groupe sud-africain Ladysmith Black Mambazo. Très connues mondialement, les deux formations défendent la tradition imbube avec la même ferveur. Mais les ressemblances s'arrêtent là, croit Thomeki.

«Ils ont une histoire riche et profonde, lance le chanteur, en rappelant l'âge vénérable de Ladysmith Black Mambazo, qui existe depuis les années 60. Mais nous sommes plus jeunes et plus athlétiques!»

Black Umfolosi consacre ainsi une bonne partie de ses concerts au gumboots sud-africain, une danse percussive spectaculaire, que le groupe s'amuse à mettre en scène avec des casques de mineur et des déguisements zoulous traditionnels.

«Nos propos sont aussi très différents, ajoute le chanteur. Étant Sud-Africains, la réalité de Ladysmith Black Mambazo n'est pas la même. Ils ont chanté beaucoup de chansons sur la liberté. Ils ont tenté de faire progresser la nation... Le Zimbabwe n'a pas la même histoire politique. Nos chansons engagées portent plutôt sur des sujets comme les droits des enfants ou l'épidemie du VIH.»

Difficile, à ce stade, de ne pas aborder les problèmes politiques qui ont récemment déstabilisé le Zimbabwe. Le sujet Mugabe est d'évidence très délicat, et le chanteur préfère ne pas commenter. Il se contente d'évoquer un climat «bizarre et dramatique» en ajoutant que son groupe, sans «aller trop en profondeur», fait sa part en écrivant des chansons d'espoir «qui donnent envie aux gens de continuer».

Fait à noter, Black Umfolosi nous rend visite ce soir en version tronquée. La formation s'élève à une dizaine de membres normalement. Mais le coût élevé des tournées internationales a forcé le groupe à ramener ce chiffre à cinq personnes (d'où le nom Black Umfolosi 5). Cette nouvelle géométrie n'avait jamais été immortalisée sur disque avant l'an dernier. C'est maintenant chose faite depuis la sortie de l'album Khuluma Lami (Talk to Me), paru cette année.

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Black Umfolosi 5, ce soir au National (1220, rue Ste-Catherine Est), 20 h.